Pierre Bos-Darnis

Sa statue trône sur la place du village, il est "le bienfaiteur de la commune" mais cet homme d'exception fut, toute sa vie, marqué par la tragédie de sa naissance.

Pierre Bos-Darnis est né le 16 avril 1809 à Albart. Enfant naturel, il était le fils illégitime de Joseph Darnis et de Marie Bos.

Joseph, expatrié en Gascogne où il faisait du commerce avait été mis en demeure de reconnaître l'enfant et d'épouser la mère. Il déclina l'offre, probablement par intérêt et préféra épouser, 3 ans après la naissance de Pierre, une certaine Marie Bastide.

Marie Bos dut donc assumer la honte, terrible à l'époque, d'avoir un enfant hors mariage. Pierre le dira plus tard dans une de ses lettres : "Personne n'a applaudi à ma naissance : pour tout le monde, ma naissance a été un malheur, une calamité … Pauvre famille, comme elle a dû être affligée et consternée !!!"

Quelques âmes charitables firent pourtant leur possible pour aider l'enfant : le prêtre Lacroze, la famille Bancharel furent les rares soutiens de Marie Bos et permirent au jeune Pierre d'entamer des études au petit séminaire de Pleaux puis au grand séminaire de Saint-Flour.

Pour l'état civil, le jeune homme se nommait Pierre Bos, mais il décida d'accoler au nom de sa mère celui de ce père qui lui faisait tant défaut et qui, d'ailleurs mourut très jeune (l'enfant avait alors 9 ans). Plus tard, les différentes signatures de Pierre montrent combien il fut tourmenté par ses origines. Il signa Pierre B. Darnis, Pierre Bos D., Pierre B-s Darnis, Pierre Bos (Darnis), Pierre Bos-Darnis ; autant de vaines tentatives pour trouver une identité stable.

A l'issu de ses études, Pierre quitta Saint-Flour pour Aurillac ou il devint précepteur des enfants du préfet puis professeur d'un cour complémentaire annexe du collège. Ses relations avec les chefs du parti libéral provoquèrent sa révocation. Sa condition d'enfant naturel rendait sa position plus fragile et son parcours plus difficile mais le caractère bien trempé était déjà là et Pierre décida que ce malheur serait le moteur de sa réussite. "Toutefois, il paraît que cela n'est pas un obstacle absolu dans la vie à toute prospérité."

Trelat, directeur du journal "Le patiote du Puy de Dôme" le prit à son service et le fit entrer au "National" puis au "Moniteur industriel" dont il devint rapidement rédacteur en chef puis propriétaire en 1845. Ses lettres montrent alors une véritable boulimie journalistique : "J'ai acheté le Moniteur Industriel à la mort du propriétaire. L'affaire est en très bon chemin. Et je suis très content de tout ce qui s'est passé. J'ai de plus le Journal des connaissances utiles. Mais, pour avoir à me reposer, je vais en faire un troisième, le Bulletin des inventeurs. Il a été décidé que je le rédigerai."

Il épousa Virginie Bonin, une jeune fille issue de la bonne bourgeoisie (le couple n'eut jamais d'enfant). Rien ne semblait pouvoir mettre un frein à cette ambition qui était aussi une vengeance. "Pendant que l'on faisait parvenir, en un certain endroit, aux oreilles de ma mère et de sa sœur que je pourrais bien lui revenir au moment où elles s'y attendraient le moins, sans le sou et même avec des dettes, j'étais arrivé à pouvoir tirer de mon travail, toutes dépenses déduites, plus de 50 000 Fr. par an. Il est fâcheux que je me retire des affaires peu à peu, car, en me mettant en prison et même aux galères, je ne sais véritablement pas où la fortune, pour me venger, ne me pousserait point."

Il se lança alors dans la politique et se présenta sans succès aux élections législatives de 1848. On le retrouve en 1851 à Londres, passionné par l’exposition universelle.

Sa santé fragile l'obligea à réduire son activité et à vendre ses journaux (1862). Sa fortune lui permit d'acheter des terres en Auvergne et d'entreprendre la construction de l'hospice d'Albart.

Il mourut à Paris le 26 février 1869. Voici les derniers mots qu'il écrivit un mois avant sa mort :
"Je suis loin d'être mieux. Mes forces ont tellement diminué qu'elles n'ont presque plus à diminuer. Et avec mes forces, l'espérance de sortir de cette maladie.
Plus de sommeil. Presque toujours de vives souffrances. Cela ne peut durer longtemps.
J'aurais eu du bonheur à vous revoir et à revoir aussi Albart, St Illide ... mais qui peut voir tous ses projets se réaliser.
Aux vôtres et aux personnes qui se soucient de moi mon meilleur sentiment.
Je suis à vous de tout mon coeur,
P. Bos (Darnis)"

Virginie, sa veuve, continua son oeuvre et s'appliqua à faire respecter ses dernières volontés, principalement la construction de la chapelle et de l'hospice d'Albart. Certaines lettres témoignent d'une impatience qui la rend injuste envers les Miraliers : "Les constructions d’Albart vont beaucoup trop doucement et j’avoue que, difficilement, je me résigne à une pareille lenteur. N’est-elle pas la preuve évidente d’un très mauvais vouloir et de l’ingratitude d’une commune qui doit tout à son bienfaiteur. "

La commune ne lui en tint pas rigueur puisqu'elle donna son prénom à son école privée (l'école Sainte Virginie).

Précisons qu'à son décés survenu en 1909, quarante ans après la mort de son mari, Virginie résidait toujours dans l'appartement où ils avaient vécu ensemble, au 99 rue Lafayette à Paris (voir photo ci-contre) ...
Elle n'oublia pas non plus Saint-Illide puisque, par testament du 11 novembre 1907, elle léguait à l'Hospice d'Albart une rente annuelle de 2.000 francs ( plus de 25.000 euros d'aujourd'hui...) "exclusivement réservée à son entretien et à sa consolidation perpétuelle".
On ne trouve pas trâce de la gratitude qu'aurait dû exprimer le conseil municipal. Trop petit legs, sans doute, par rapport à tout ce que la commune avait déjà reçu de son mari..."

Pierre Bos-Darnis fut inhumé dans le caveau derrière le choeur de la chapelle d'Albart le 25 août 1887, un mois seulement après l'inauguration de la chapelle mais près de 20 ans après sa mort.
Le registre du conseil de fabrique de St Illide rend compte, avec émotion, de cette cérémonie: " Transportés la veille de Paris, les restes de M. Bos-Darnis furent d'abord conduits en grande céremonie par le clergé et les habitants de St Illide dans l'ancienne habitation de la famille Bos-Darnis. Le lendemain 25 août, eut lieu la cérémonie religieuse à laquelle assista le clergé du voisinage et les habitants de St Illide. Après la cérémonie, le cercueil fut déposé dans le caveau qui l'attendait."

Son buste en bronze ( le plâtre est à la Mairie) sculpté par Grandin fut placé devant la mairie en 1904.
Une réduction de ce buste fut érigé sur une colonnette de pierre, dans l'allée principale du parc de l'hospice d'Albart, près de sa maison natale. En vis à vis, le buste de son épouse Virginie, décédée à Paris en 1909.
Les deux bustes en bronze ayant été volés il y a une vingtaine d'années, furent remplacés à l'identique sur décision du Conseil Municipal.

Un détail bien ignoré, c'est la parenté de Pierre Bos-Darnis avec la noble famille de Barriac dont la ligne directe est éteinte depuis le décès de Joseph-François de Barriac, marquis de La Valette ( plusieurs prieurs de St Illide portent le même titre), inhumé dans le caveau de la famille, sous le maître-autel de l'église paroissiale le 14 avril 1754.

Un de ses ancêtres au siècle précédent, Guyon II, seigneur de St Illide eut un fils naturel, Jean de Barriac qui lui même eut un fils, Jacques marié en 1711 à Jeanne Parieu d'Albart, dont la fille, Louise de Barriac est la grand'mère de Pierre Bos-Darnis.

Le buste de Pierre à Albart

On peut voir à la mairie ce fac similé en plâtre de la statue de la place.

Son tombeau (toujours à Albart)
Virginie Bos-Darnis (née Bonin)
Son buste à Albart
Le monogramme de Pierre et celui de Virginie
 
A l'origine du destin de Pierre Bos-Darnis : l'absence du père. Ci-dessus, l'acte de baptème et un acte d'état civil attestant cet événement fondateur.