Le prieuré aux Archives Nationales

On sait que les Archives Nationales à Paris conservent des liasses sur notre prieuré.
Ce sont d'ailleurs les seules archives religieuses ainsi conservées pour tout le diocèse de St Flour.
Pourquoi cette exception et par quel cheminement  ces importants documents sur le prieuré de St Illide sont-ils à Paris ?
Peut-être que la procèdure intentée en 1768 par certains tenanciers qui contestaient le bien-fondé du cens qui leur était réclamé, est-elle remontée jusqu'au roi ?
Cette procèdure a fait l'objet de nombreux mémoires rédigés par les avocats des tenanciers tout autant que par ceux du prieuré. On a alors ressorti les anciens terriers pour faire des comparaisons...
 
Nadine Delpuech les a consultés sur place.
 
Il y a là deux gros cartons sur le prieuré de St Illide, respectivement, de 38 et de 44 pièces, chaque pièce comportant un nombre variable de pages.
400 photos ont été prises ! (ci-contre un document daté de 1459 !)
 
Malheureusement, on ne trouve pas trâce de plans des bâtiments, de dessins ou de croquis du prieuré.
En revanche, beaucoup de parchemins (support en peau d'animal), de documents en latin et en langue romane, mais le plus souvent en français.
 
Il s'agit presque uniquement d'anciens titres fonciers, de déclarations et reconnaissances par les "tenants" des droits du prieur sur les terres qu'ils exploitent et les maisons où ils vivent.
 
Le principal intérêt de ces archives est de nous donner quelques aperçus sur le cadre de vie de nos ancêtres.
 
Le plus ancien document conservé est le "terrier" de 1323, il y a donc près de 700 ans ! (voir photo ci-contre)
Un terrier est un recueil d'actes ou de reconnaissances passées devant notaire par les tenanciers du seigneur. Car le prieur est bien un seigneur, propriétaire de nombreuses terres et dépendances, les "affars". Il est d'ailleurs parfois appelé, dans les actes consultés, "seigneur de St Illide".
 
Par la reconnaissance, le tenancier reconnaît tenir en servitude du seigneur les parcelles dont il est possesseur et lui devoir un cens, c'est-à-dire un loyer en argent et en nature.
Cette reconnaissance est ensuite transmise à ses héritiers.
Ce terrier a été mis à jour par une rédaction complète en 1459 puis, de nouveau, en 1768. A chaque fois, article par article, il est rappelé la reconnaissance consentie précedemment en faveur du prieuré.
 
Le document original de 1323 est illisible mais, par chance, il a été recopié par un notaire féodiste  (à savoir par Lascombes en 1605 et par Esquirou en 1639), à la demande du prieur, pour faciliter la gestion de son domaine.
 
Il y a là 31 pages, rédigées en français, parfois en occitan (les noms propres) ou en latin, pas toujours très lisibles, qui nous apprennent tout de même beaucoup de choses :
 
Les noms des villages où se situaient ces terres ne sont pas toujours reconnaissables aujourd'hui, en raison des incertitudes de lecture et de la disparition probable, 700 ans plus tard, de certains d'entre eux...
 
Pour St Cernin, apparaissent les "mas" del Cros, de Roussy, de Favars, de Lagarde, de Molesite, de la Roche, de la Combe, du Perriers, de Braulinges.
 
Le terrier parle en effet très souvent, de "mas", terme occitan qui désigne les tenures (ou fermes), parfois de "borderies", à savoir des petites exploitations ou encore de "près" qui, comme aujourd'hui, portent un nom.
 
 
A St Illide, beaucoup de villages du terrier de 1323 existent toujours. Quant aux près, les lecteurs sauront mieux que nous les identifier...
Il est question des mas de Broha (Bruel ?), du Mazelier, du Verdier, de Dalpons, de Labondaria ( Labontat ?), de Caussin, de Golonès, de Castanier, du Roziers, de Camps, du Cassan, de Vernhes, de Caramonte, de Lagoute, de Cairolia, du Fau, du Teil, de Lacroux, de Rossy, de la Plaza, de Lavaisse (Laveissière ?), de Lalande, du Couderc, de Laborie, de la Rossayrie, du Cafol, de la Daubidie...
 
Quant aux près, citons en quelques uns : Dessous lou prat, Domergier (Démerier), Comport, le Pradal, la Ribieyre, Lavergne, Lagana, Lagarrouste, Capmas, Angélique, Bertanes, Dalpuy, etc.
Non, dans la plupart des cas. Seul leur prénom suivi du nom du village où ils vivent les identifient. Il ya très peu de noms de famille. Le terrier parle, par exemple, d'Etienne et Jean du Couderc, de Pierre del Fau, de Pierre et Guillaume de Golonès ou encore de Guibert et Durand de Caussin...
Ces noms de village ont donné certains patronymes d'aujourd'hui : Dumas, Besse, Delpuech, Lalande, Claux, etc.
 
On trouve cependant quelques noms patronymiques dans les documents, peut-être un sobriquet, une allusion à un métier ou à un signe physique particulier : Pierre Galumet, Jean Cantuel, Bertrand Lamora, Pierre Fabre ou Fabri, Jean Clève.
 
Les noms de famille, au sens moderne, transmissibles de père en fils, ne seront réglementés et obligatoires en France que plus de deux siècles plus tard.
 
Le terrier de 1323 ne nous apporte donc aucun élément sur les lignées familiales.
En revanche, les 145 pages du terrier de 1768 pourront nous apporter des renseignements sur les habitants de St Illide, en le croisant avec le terrier des seigneurs de Barriac qui possédaient également beaucoup de terres sur la paroisse de St Illide.
Elles s'expriment en argent et en nature.
 
En argent, la monnaie de référence, comme dans les autres provinces de France, est la livre tournois. Celle-ci pèse un poids d'or fin, variable selon les époques.
La livre se partage en 20 sols tournois et en 240 deniers. La plus petite unité est l'obole qui vaut 1/2 denier.
Par exemple, les trois près appelés "Comport"  sur la paroisse de St illide, exigent un cens annuel de "quatre sols et de deux deniers tournois".
 
Les cens en nature sont beaucoup plus compliqués, comme le sont les poids et mesures depuis le Moyen Age et pendant tout l'ancien Régime. Il faut attendre l'actuel système métrique pour mettre fin à une véritable anarchie, source d'injustices et de chicanes permanentes...
On a compté jusqu'à 490 unités de mesure différentes et il y en a bientôt une par ville...
C'est exactement le cas à St Illide !
 
En 1323, les reconnaissances sont exprimées en quantité de seigle, d'avoine et de froment.
La mesure la plus fréquente est le septier ou setier qui vaudrait environ 130 litres..
Mais attention, il y a le septier d'Aurillac et le septier d'Albars. Les capacités sont différentes ! Le septier se divise lui-même en émines ou ermines, puis en boisseaux et en quarts.
Pour tout achever, la mesure peut être "rase", le grain est alors versé dans la mesure à affleurer les bords, ou "comble", auquel cas le grain est tassé et doit ensuite former un cône au-dessus du récipient.
La plupart des cens sont en mesure"combles", parfois"rases", d'autres fois sans précisions ; on peut imaginer les disputes !
 
On ajoute encore au cens, des "gellines" (poules), parfois, 1/2 gelline seulement, ou des "gellinats" ou encore des oeufs comptés à l'ancienne : "six vingt oeufs ", c'est-à-dire dix douzaines.
 
En revanche, aucune superficie des terres n'est indiquée, aucun bornage n'est signalé : le nom de la terre devait suffire pour sceller les droits et devoirs du "païsant" et du seigneur "religieuse personne Aymeric de Montal, prieur de St Illide" de 1323 à 1335. C'est probablement à l'occasion de sa nomination que le terrier a été dressé.