L'architecture extérieure (1)

Plaçons nous face au portail.
Il est orienté à l'Ouest pour que le chevet, symbole de la position de la tête du Christ en croix (chevet : de caput, la tête) soit orienté à l'Est, approximativement vers Jérusalem.
 
Cette orientation, assez rare dans le secteur d'Aurillac, où la plupart des églises sont tournées vers le Sud, correspond en fait à celle de l'éperon rocheux sur lequel est bâti Saint Illide et dont l'église occupe le point le plus élevé, au centre du village.
 
Immédiatement, il apparaît à l'oeil que le vaisseau central est la partie la plus ancienne.
 

L'appareil, c'est-à-dire l'assemblage et la découpe des pierres de la façade, n'est pas du tout le même en partie centrale, qui correspond à la nef, et sur les côtés Nord et Sud.

On peut, dès lors, imaginer , grâce à son pignon Ouest, l'emplacement et la forme de l'église primitive bâtie à la fin du XIème siècle ou au début du XIIème, reconnaissable à son "grand appareil" essentiellement formé de pierres taillées avec soin dans le basalte issu de carrières volcaniques distantes d'au moins 10 ou 20 kms.
 
L'abbé Bouissou, savant historien, qui fut curé de Saint Illide dans les années 30, retient la date de 1130, donc le début du XIIème siècle...
Même si aucun document d'archives ne le confirme, cette date peut être retenue, faute de mieux, mais tout exercice de datation a forcément un caractère subjectif.
Il faut en effet se souvenir que le bâtisseur de l'église, on dirait aujoud'hui l'architecte ou le maître d'oeuvre, était un artisan au savoir-faire reconnu, après un très long apprentissage. Les religieux lui confiaient alors le soin de construire le sanctuaire voulu et financé par eux. C'était souvent pour lui, l'oeuvre de sa vie...
Le temps de choisir les premières équipes d'artisans, d'ouvriers et de tâcherons, tous illettrés comme lui et comme 95 % de la population, de discuter et de faire reconnaître son projet par les religieux, de rassembler les premiers matériaux, plus de 5 ans se sont déjà écoulés.
Il en faudra 10 ou 20 de plus pour mener à bien la construction d'une église de la taille de celle de Saint Illide, s'il n'y a pas trop d'incidents et si le constructeur conduit bien les 100 à 200 artisans et manoeuvres qui travaillent sur le chantier et qui, souvent s'installent durablement dans le village naissant.
 
La décision de construire une église consacrée et ouverte aux fidèles en 1130 peut donc remonter à 1090 ou 1100, sinon plus tôt, certainement pas beaucoup plus tard !
 
Ce beau mur de façade, d'une largeur de 12 mètres, est percé au dessus du portail d'une ouverture cintrée en quart de cercle, réalisée vers 1850, à la demande de l'évêque de Saint Flour, pour éclairer l'intérieur de l'église.
On peut supposer que primitivement, un simple oculus de petites dimensions, remplissait cet office.
 
Les "petits appareils" des flancs Nord et Sud ont été réalisés au XIX ème siècle, sans doute en 1806 pour le flanc Sud et en 1846 pour le flanc Nord.
Petits appareils car les pierres de façade (granit, basalte, schiste) sont beaucoup plus petites, moins bien taillées, beaucoup plus disparates et avec des joints plus épais. La différence d'aspect et la moindre qualité du matériau par rapport à la partie centrale sont saisissantes.
 
Le portail d'entrée, lui aussi du XI ème ou XII ème siècle, sans retouche postérieure, est très simple d'allure, presqu'austère.
Une archivolte en retour d'équerre, brisée au Sud, encadre le portail et souligne un arc à double rouleau jouant sobrement sur les couleurs des claveaux (pierres taillées en forme de coin). Aucune sculpture ni décoration sur le tympan et sur le linteau.
 
Cette façade équilibrée, orientée vers l'Ouest, est exceptionnelle dans le pays d'Aurillac. Avec celle de Crandelles, l'église de Saint Illide est la seule où la porte est sur le pignon occidental. Ailleurs, le portail est toujours situé en partie latérale.
 
Cette sobriété et cette pureté des lignes de l'église originelle inscrite dans un rectangle parfait, va se transformer au cours des siècles par l'ajout de 8 chapelles latérales devenues au XIX ème siècle des bas-côtés donnant l'aspect d'un édifice à 3 nefs.
Certes, ces ajouts épaississent beaucoup le profil de l'église, lui donnant une silhouette ramassée, alourdie.
 
Il n'est même pas permis d'évoquer une forme en croix latine, aspect qu'a pourtant présenté l'église entre le XVI ème et le XIX ème siècle lorsque n'existaient, de part et d'autre de la nef et du choeur, que 2 ou 4 chapelles latérales.
Depuis, il ne reste de la croix que la branche du sommet, formée par le choeur d'origine et la sacristie accolée beaucoup plus tard au chevet.
 
 
Sur le pignon Ouest, on remarquera au Sud, au dessus de la baie surmontée d'un linteau qui porte la date de 1806, un personnage vêtu d'une longue robe, les mains jointes, inscrit dans un cercle ou une croix pattée assez proche de la croix du Languedoc.
On ne connaît pas l'origine ni la signification de cette sculpture très ancienne, ajoutée au début du XIX ème siècle lors de la construction de la dernière chapelle Sud, et on y voit souvent le remploi d'une vieille croix de chemin à moins qu'il ne s'agisse d'un motif provenant du prieuré bénédictin, alors en ruines. Il faut aussi se souvenir que la croix pattée est un des symboles des Templiers...
Enfin, on doit noter que cette façade Ouest a été surélevée en 1755, passant de 9,87mètres à 11,20 mètres.
Cette surélévation, très peu visible sur la façade, a été rendue nécessaire par la création d'un passage d'homme vers le clocher. Ce passage, éclairé par une petite lucarne, existe toujours pour atteindre les cloches.
Avant 1755, le clocher était desservi par une tourelle accolée, avec escalier à vis, sans doute sur le flanc Sud. Il ne reste aujourd'hui aucune trâce de cette tourelle devenue sans utilité.
On remarquera que cette surélévation s'arrête au clocher. A l'Est du clocher, la hauteur est limitée à 9,87 mètres, comme à l'origine, créant ainsi un décrochement visible du faîtage de la toiture.
 
Les murs latéraux, sur toute la longueur de la nef, sont percés au Nord et au Sud, de 4 fenêtres en plein cintre, toutes identiques aux 2 baies latérales de la façade Ouest.
Ces fenêtres, en léger ébrasement (s'élargissant progressivement du dedans au dehors) sont symétriquement réparties sur les côtés Nord et Sud, ce qui est une singularité, les ouvertures en face Nord étant fréquemment moins nombreuses.

On observera, en se rapprochant de la première fenêtre au Nord, correspondant à la chapelle des Fonts Baptismaux construite en 1846, le linteau au dessus de la baie, qui provient d'une pierre tombale de l'église réemployée en pierre d'encadrement.

L'inscription, bien visible, peinte en ocre, est cependant difficile à déchiffrer. Le savant abbé Bouissou assurait qu'il s'agit de la pierre tombale d'Antoine du Prallat, seigneur du Bélestat, enterré dans l'église le 23 novembre 1732.
 
 
Au delà de la nef, réapparaît au niveau du choeur, le mur primitif qui révèle à nouveau que l'édifice roman était construit en grand appareil de pierre volcanique du pays.
Les 2 fenêtres romanes, au Nord et au Sud, sont de belle facture, sans ornement, à double et profond ébrasement, le mur atteignant là plus de 1,40 mètre de profondeur.
 
Le mur primitif est de meilleure apparence sur la face Nord, celle visible par tous. Au Sud, l'appareil est de moindre qualité et son entretien est, à l'évidence, beaucoup moins fréquent.
La remarque est d'ailleurs valable pour tout le flanc Sud dont le crépi ou ce qu'il en reste, mérite une sérieuse reprise, d'autant plus qu'il laisse actuellement apparaître des zones fragiles, la structure étant constituée de matériaux tout venant et de pierres de remplissage.
Quoiqu'il en soit, la Mairie serait bien inspirée en facilitant le passage des visiteurs, aujourd'hui quasiment confidentiel, vers le flanc Sud de l'église.
 
Sur la face Nord, on remarque sur le mur d'origine un morceau de corniche supporté par 3 modillons qui sont bien érodés par leur 900 ans d'existence...
Le plus à gauche n'est plus lisible ; celui du milieu laisse apparaître un tête de reptile ou d'oiseau sur un corps sinueux, peut-être un griffon ou un autre animal de légende ? Le dernier, le plus net, pourrait représenter un singe accroupi.
Sur la face Sud, une sculpture de mêmes dimensions, est en meilleur état.
Cette fois les 2 modillons sont illisibles et dégradés ; c'est la corniche, à double cannelure, qui présente 5 billettes régulièrement espacées et en très bon état, qui ne sont pas sans rappeler les décors géométriques du roman poitevin.
 

Il est permis de supposer, au vu de ces faibles vestiges, que ces corniches et modillons couraient autour de l'édifice avant l'adjonction des chapelles latérales.

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