Saint-Illide terre d'asile ?

On remarque, au début de l’année 1794, un nombre inhabituel de personnes souhaitant s’installer sur la commune de Saint-Illide. D’où vient cet engouement ?
En ces temps de bouleversements, il est probable que le sens de l’hospitalité des Miraliers ainsi que la modération avec laquelle la municipalité applique les décrets de la Convention, aient pu attirer des citoyens des communes et des départements voisins.
C’est d’ailleurs cet humanisme qui, à travers les âges, caractérise sans doute le mieux Saint-Illide et ses habitants. Témoins, quatre histoires de ces temps troublés de la grande Révolution.

Le vagabond aux bourriols
Le 6 floréal an II (25 avril 1794), la Garde nationale de la commune fait comparaître devant le Conseil municipal un certain Jean Lacoste signalé par le comité de surveillance comme faisant du tapage au hameau du Cassin où il effraie les femmes.
L’individu, âgé d’une cinquantaine d’années, dit venir de la commune de Lascelle où tous ses biens ont brûlé. Il produit un passeport ne mentionnant aucune description physique et correspondant à un homme de 69 ans. Interrogé, Lacoste avoue : c’est le passeport de son oncle, quant à sa présence sur la commune, eh bien, n’ayant plus rien, il est venu pour mendier.
Mais pourquoi diable a-t-il fait peur aux femmes du Cassin ? Il répond, honteux : « Elles essayaient de me donner des bourriols et je n’en voulais pas …»
Le conseil prend acte et classe sans suite.

Un trou au plafond
Le 10 germinal an II (30 mars 1794), Antoine Martin et sa femme qui résident depuis deux ans sur la commune viennent se plaindre. Leur propriétaire, le citoyen Lassalle de Parieu Haut demande leur expulsion. Sommé de s’expliquer, Lassalle raconte qu’il loue au couple une chambre sous son grenier. Il s’est aperçu récemment qu’un trou avait été pratiqué dans le plafond de la chambre et que les Martin utilisaient cette méthode pour puiser dans sa réserve de blé noir.

Les Martin protestent, ils n’ont rien fait de mal ! Tout au plus Lassalle peut-il leur reprocher d’avoir ramassé un peu de bois mort sur son domaine. Le conseil délibère et décide que l’affaire sera portée devant le juge de paix de Laroquebrou. Le couple Martin n’est pas expulsé de la commune mais il lui est demandé de ne pas retourner vivre chez le citoyen Lassalle avant d’avoir été blanchi (vous retrouverez les Lassalle dans Marie Reyt).

Le prêtre de Charente
Ce premier jour des sanculottides de l’an II, se présente à la maison commune le citoyen Jean Lintilhac ex curé exerçant en Charente inférieure (aujourd’hui « maritime »). Muni d’un certificat de civisme et assurant qu’il ne pratiquait plus son ministère, il demande la permission de s’installer à Gounoulès où il a de la famille et notamment son frère Géraud. Le conseil n’y voit pas d’objection.
Quelques mois plus tard, alors que Jean était retourné régler des affaires en Charente, il est arrêté lors de son passage en Dordogne et incarcéré à Beaumont. Très inquiet, son frère Géraud se tourne vers la municipalité de Saint-Illide.
Le conseil ne cherche même pas à connaître les raisons de cette arrestation, il considère que « pendant tout le temps que le dit Lintilhac ex curé a habité la commune il s’est toujours conduit avec prudence sagesse et probité », il constate en outre que « la famille du dit Lintilhac n’a cessé depuis le commencement de la Révolution de donner des marques de patriotisme ». Après délibération, il demande donc à la commune de Beaumont l’élargissement de l’ex curé et offre de le prendre sous sa surveillance et sa responsabilité.

La veste déchirée
Après la fermeture de l’église (voir le culte de la Raison), le Conseil municipal avait confié la clef de l’édifice au citoyen Antoine Rentier ; or un certain 23 germinal an III (12 avril 1795) ...
« … Vers les onze heures du matin, il s’était attroupé beaucoup de femmes qui étaient venues au devant de la maison commune pour demander les clefs de la cy devant église … elles avaient trouvé sur la place publique le dit Rentier … avaient fait un cercle, l’avaient pris par la boutonnière, luy avaient déchiré sa veste du côté de derrière gauche, luy avaient mis la main dans la poche et avaient pris non seulement la clef de la cy devant église, mais aussy celle de la boîte de l’horloge. »

Une semaine plus tard, arrive une lettre du comité de sureté générale d’Aurillac … cette lettre « dit entre autres choses que si nous ne hâtions pas de signaler à l’administration les auteurs qui avaient fait ouvrir notre cy devant église, nous serions réputés les seuls coupables » On interroge donc Rentier pour qu’il livre les noms de celles qui lui ont dérobé les clefs mais …
« le citoyen Rentier cy présent nous a déclaré qu’il y avait une si grande quantité de femmes qui faisaient ce cercle qu’il a été dans l’impossibilité de remarquer celles qui luy avaient emporté les clefs ». Encore une fois, la tranquillité du village a été préservée.

PS : Si vous voulez savoir pourquoi les Miralières ont volé les clefs, lisez notre article sur les cloches.