Du chemin du Bruel au cimetière

En contrebas et au-dessus du chemin qui mène au Bruel , la maison de la famille Gali dont j’ai parlé ci-dessus, M. Gali exerçant les métiers de maçon, peintre et plâtrier.
C’est également juste au dessous de la maison Mirabel que se trouve un puits auquel est attaché un triste souvenir, celui du suicide de M Freyssinet, fermier du Bruel, peu après son retour de captivité ; sa veuve épousera plus tard M Queuille, fermier de la petite exploitation de Darnis-Pureille au Bouissou ; quant au puits, il a été comblé lors des travaux d’aménagement du chemin.
Remontons sur la route : sur la gauche et en face de la ferme Capel, la maison Rigaudie, Antoine Rigaudie est couvreur et son épouse, coiffeuse. Après le départ pour Paris de Marinette Maury, la famille Rigaudie a tenu quelques temps son épicerie puis ce commerce a définitivement fermé.
Au-dessus, la maison d’Ernest et Jeanne Peyrou ; Ernest est charron et forgeron, dans sa cour un ‘’travail‘’ pour ferrer les bœufs et les chevaux et au fond, la forge et un petit café.
Un ‘’travail’’ est un bâti, formant une espèce de cage ouverte aux deux extrémités, dont la partie fixe est faite de quatre poutres verticales en bois, solidement ancrées au sol et réunies à la partie supérieurs par quatre solives en bois destinées à rigidifier l’ensemble, un petit toit complétant cette construction ; pour immobiliser l’animal que l’on a fait entrer dans ce bâti et afin de permettre au maréchal –ferrant de travailler en sécurité , l’appareil est équipé à sa partie supérieure de deux grosses barres rondes parallèles servant de treuils auxquelles sont attachées deux larges sangles. Ces sangles sont passées sous le ventre de la bête que l’on soulève du sol en tournant la manivelle du treuil mobile ; la patte à ferrer est maintenue repliée par un lien en cuir. Le maréchal-ferrant, assis sur un escabeau en bois, commence alors le travail, protégé par son gros tablier en cuir ; auparavant et à partir d’une barre de fer il a forgé aux dimensions de l’animal un fer qu’avant de poser il fait chauffer au rouge . Il pare le sabot en enlevant au tranchoir la corne abîmée puis applique le fer chauffé sur le sabot pour bien l’y adapter, opération qui dégage une fumée âcre assortie d’une odeur de corne brûlée ce qui effraie l’animal dont la tête est tenue par son propriétaire pour le rassurer ; l’opération se termine par la fixation du fer dans la corne du sabot par des gros clous à tête carrée puis par la finition du rognage de la corne à la râpe.
Son travail ne se limite pas à ferrer le bétail, il “recharge" les socs de charrue, aiguise et répare faux, faucilles, haches, bêches, pioches et autres instruments utilisés à la ferme ou au jardin, il forge et soude grilles et clôtures, il cercle de fer les roues en bois destinées aux chars.
La technique est la suivante : on prend d'abord les mesures de la circonférence de la roue avec une ficelle puis on coupe à cette mesure un fer plat de trois doigts de large; il fallait alors le cintrer à l'aide d'un treuil muni de deux cylindres en métal cannelés entraînés chacun par un engrenage, la barre est introduite entre les deux cylindres et on tourne la manivelle du treuil pour en sortir une barre cintrée qu'une soudure sur l'enclume permet d'en joindre les deux bouts.
Si les mesures ont été bien prises, le diamètre de la jante en bois de la roue est légèrement supérieur à celui de la barre cintrée, c'est-à-dire de la future jante en fer qui va cercler la roue.
Il faut alors allumer un feu sur le sol et y faire chauffer au rouge la barre qui, en chauffant s'est dilatée de telle façon qu'en la prenant avec de longues pinces en fer on puisse la faire rentrer autour de la jante en bois qui à son contact fume et grésille; quelques coups de marteau finissent de cercler la roue et un ou deux seaux d'eau jetés sur la barre refroidissent le fer qui se contracte et est ainsi serré de façon très forte sur la jante en bois de la roue.
Louis Martin originaire d’Arnac est son commis, entré à son service à l’âge de 18 ans, il lui succédera à la forge où il est finalement resté plus de quarante ans ; encore un ancien artisan qu’il faut saluer avec respect !
En face, la maison de la famille Courchinou et au-dessus, toujours du côté gauche, la maison de la famille Tirabi ; elle a été au départ la propriété de la famille Voisin originaire de Saint Martin Cantalés puis achetée par Pierre et Emilie Tirabi qui ont travaillé de longues années à l’hôpital de Brévannes (Val de Marne) avant de se retirer à Saint Illide ; leur fille Maria a épousé Jean Hollman, agent commercial à la SNCF, avec lequel elle a eu quatre enfants. Lorsque, plus tard, cette maison a été vendue, Jean Pierre, l’un des deux fils, a fait construire à côté une petite maison en bois dans laquelle, après sa retraite, il s’est retiré.
Lui faisant face, la maison de M.Teulade, maçon, la maison des époux Verdier (qui ont tenu un grand café-restaurant à Paris) puis la maison et la boutique de Victor Claux, buraliste et marchand de tabac dont le père Elie a été secrétaire de mairie à Saint Illide.
Au tournant de la route et en face de la maison Cheviale , l’ ancienne propriété de la famille Raymond où vit le docteur Roche avec sa bonne Marie, puis le deuxième lavoir municipal sur l’emplacement duquel sera, plus tard , construite la maison de la famille Vizy, transporteur.
En face, la petite maison (détruite aussi dans les années qui suivirent) où habite Mlle Batut une femme âgée, fille d’un aveugle, et qui gagne sa vie en lavant le linge chez les autres, les jours de grande lessive. A ce propos et comme dans cette période on ne trouve pas de savon de Marseille, on en est réduit à fabriquer un savon maison à partir d’eau, de soude caustique et de graisses animales ; c’est une opération longue, délicate et dangereuse car la soude caustique est très corrosive et peut causer de graves brûlures aux yeux et à la peau.
Ces grandes lessives ne se font que plusieurs fois dans l'année: on fait d'abord tremper le linge pour enlever les salissures les moins adhérentes, on le met ensuite, après l'avoir enveloppé dans une grande toile, dans une lessiveuse ou un chaudron ; sur le dessus de la toile on verse de la cendre de bois (dont les sels de potasse forment avec les matières grasses un savon naturel) et des copeaux de savon maison . On fait longuement bouillir puis on sort le linge brûlant avec une grande pince en bois dans des bassines que l'on transporte jusqu'au lavoir avec une brouette ; là on le savonne et après l'avoir roulé en boules, on le frappe énergiquement avec un battoir en bois puis on le rince abondamment avant de le ramener sur la brouette jusqu'à la maison où il est mis à sécher sur des fils tendus au jardin.
.Puisque j’évoque ces travaux faits par ces personnes qui gagnent petitement leur vie en effectuant pour d’autres des tâches ingrates, je citerai Honoré, homme à tout faire (il travaille le jardin des sœurs et aussi effectue de nombreux petits travaux pour les familles de la commune), toujours jovial et prolixe mais difficile à comprendre car il a perdu presque toutes ses dents ; se contentant de peu, il est hébergé par la famille Claux à Lacroqueille.
Enfin, dernière maison du bourg celle avec la boutique de Louis Baduel, boucher, café dont la fille a épousé un gendarme.

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