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UN MIRALLIER BIEN OUBLIE
:
Pierre DUJOLS
1. UN PARCOURS SURPRENANT
Qui
se souvient encore à St Illide de Pierre DUJOLS, décédé
en 1926, il n’y a pas si longtemps ?
Pourtant, dans certains milieux littéraires et philosophiques, son nom et son œuvre sont encore aujourd’hui célèbres et admirés. Pierre DUJOLS est dans son domaine, une référence incontournable et internationale.
Sa vie paraît surprenante à beaucoup d’égards.
Il naît à
St Illide au village de Lasserre le 22 mars 1862
où est né, 15 ans avant lui, son frère Antoine. C’est
l’enfant tardif de François DUJOLS, âgé de 40 ans,
cordonnier à St Illide et de Toinette LAPEYRE, 44 ans, sans profession.
Toinette serait du Midi et ne parlerait que le provençal, ce qui devait
être bien gênant dans notre commune où tout le monde parlait
patois…
A témoigné de la naissance de Pierre à la mairie, Antoine
MARTIN, âgé de 62 ans, cordonnier à St Illide, sans doute
le patron de son père.
Donc, une famille de modestes
artisans, installée à Lasserre depuis longtemps et, hormis la
mère, originaire du pays.
Si en 2009, il n’y a plus de DUJOLS à St Illide, il y en a encore
plusieurs dans le Cantal, en particulier à St Cernin et à St Martin
Valois.
C’est un nom du pays. Le dictionnaire étymologique le relie sans
hésitation au village d’Ugeols, voisin
de Lasserre. D’UGEOLS...DUJOLS…
A une date et pour des
raisons inconnues, la famille quitte St Illide pour le Midi et s’installe
à Marseille. Pierre est encore tout jeune et il est admis au célèbre
Collège des Jésuites d’Aix-en-Provence, ce qui n’est
sans doute pas fréquent pour un fils de cordonnier…
On le retrouve plus tard journaliste d’abord à Marseille puis à
Toulouse où il épouse en 1887 une demoiselle CHARTON, âgée
de 21 ans, et originaire d’Hennebont en Bretagne. Il aura avec elle 2
filles. On dit que la jeune madame DUJOLS aime faire ses prières du soir
en regardant le coucher du soleil et qu’elle aurait des dons de clairvoyance,
faisant des rêves prémonitoires, lisant les lignes de la main et
dans les cartes.
Pierre a une belle voix de baryton, chante dans une chorale et publiera avec
un ami un livre-recueil de chansons populaires. Ce sera son premier ouvrage,
dans un registre bien différent des suivants…
Que sont devenus ses parents ? Sont-ils retournés à St Illide ? nul ne le sait et Pierre n’en parle pas et n’évoque jamais St Illide dans ses ouvrages à venir. Seul son frère Antoine, devenu facteur, est en relation avec lui et partage ses idées.
En 1901, Pierre achète à Lucien CHAMUEL la « Librairie du Merveilleux », rue de Trévise à Paris où il s’installe définitivement et habitera jusqu’à sa mort au 47 rue Henri Barbusse dans le 5éme arrondissement.
Cette librairie, en même temps maison d’édition, installée plus tard rue de Rennes, est vouée à la philosophie, à l’alchimie et plus généralement à l’ésotérisme (arts divinatoires, occultisme, spiritisme, magnétisme, etc.). S’y réunissent les plus éminents experts en sciences occultes, nombreux au début du 20éme siècle. Se joignent à eux fréquemment des savants, écrivains, poètes, tels André BRETON, Alfred JARRY, Maurice LEBLANC, l’abbé MUNIER et bien d’autres.
D’emblée,
Pierre s’affirme comme un maître respecté. Son érudition
est immense dans tous les domaines touchant à la Tradition. Il possède,
par exemple, une parfaite maîtrise du grec ancien, du latin, de la mythologie
et surtout de l’alchimie.
Ses connaissances sont « fabuleuses et inégalées »,
selon ses contemporains, et il s’impose comme un des meilleurs spécialistes
de l’alchimie en Europe.
Il
écrit plusieurs ouvrages, réédités encore de nos
jours, sous son nom ou sous le pseudonyme de MAGOPHON.
Un livre récent, édité en 2007 par Geneviève DUBOIS,
intitulé « Les nobles écrits de Pierre et Antoine DUJOLS
» reprend l’essentiel de ses œuvres dont les célèbres
Commentaires du « Mutus Liber », livre sans parole du 17éme
siècle, connu de tous les alchimistes et dans lequel est présentée
en figures hiéroglyphiques la totalité de la philosophie hermétique.
Pierre, qui est atteint d’une arthrose invalidante, reste 4 ans couché et met à profit ces années d’immobilité pour mettre au point et éditer une bibliographie générale de l’occulte en 22 volumes, révélant son immense culture.
Un de ses amis le décrit dans ses dernières années, sur son lit où il gisait perclus. « Il ne pouvait pas plier les genoux ni, par conséquent, quitter la position assise. Alors, le soir, quand il s’étendait, ses genoux restaient en angle et lui servaient de pupitre. »
Son épouse se trouve
obligée de travailler pour améliorer une situation financière
très dégradée.
Resté pieux jusqu’à la fin, Pierre DUJOLS décède
chez lui le 19 avril 1926 et est enterré au cimetière Montparnasse
à Paris, dans une tombe très simple, aujourd’hui à
l’abandon, où sa femme le rejoindra en 1934.
Avant d’évoquer deux « mystères » non résolus
touchant Pierre DUJOLS et son frère, arrêtons-nous sur le parcours
étonnant de ce fils d’un modeste cordonnier de St Illide, riche
d’une immense culture et qui a su gagner une notoriété toujours
d’actualité, près d’un siècle plus tard.
Ecoutons le déclarer avec une clairvoyance troublante, en avril 1912 : « Il se prépare je ne sais où un mouvement immense qui, quoiqu’il arrive, ne peut être que salutaire pour l’humanité. Il porte avec lui ou malgré lui une ère de rénovation attendue de tous les hauts esprits des temps modernes. »
On vient de voir que les premiers « mystères » de Pierre DUJOLS tiennent d’abord à son parcours de vie qui suscite beaucoup de questions : pourquoi son père, cordonnier à St Illide épouse-t-il une provençale, manifestement déracinée à Lasserre ? Pourquoi cette famille quitte-t-elle son village, apparemment sans retour ? Comment Pierre est-il admis chez les Jésuites et qui paie ses études ? Où Pierre a-t-il acquis cette immense culture reconnue par tous ? Qui ou quels événements l’ont-ils orienté vers les sciences occultes et la philosophie hermétique ? Mais au-delà de ces questions tirées de l’observation, deux mystères ne sont pas résolus et le deuxième ne le sera sans doute jamais.