Histoire de l’école des filles de Saint Illide

À Saint Illide, une école pour l’éducation des filles a été ouverte dès 1828.

En effet, par acte notarié du 30 avril 1827, la Demoiselle Anne PARRA, fille dévote de l’ordre de Ste Agnès, décide de faire don à la commune, pour y ouvrir une école pour l’instruction des filles , de sa maison, son jardin et les dépendances, sis sur la place de l’église de St Illide à gauche de l’auberge de Joseph ROBERT ( actuelle Epicerie Espalieu ).

Une vieille photo de l'école des filles.
Le bâtiment actuel, transformé en logements sociaux.

Le conseil de Fabrique de l’église de Saint Illide, avant d’ouvrir ladite école, a dû obtenir du roi Charles X l’autorisation d’accepter cette donation. Le 5 mai 1828, le Roi donne son autorisation en ces termes :

Charles, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre
A toux ceux qui ces présentes auront, Salut
Sur le rapport de notre ministre Secrétaire d’état au département des Affaires ecclésiastiques
Notre Conseil d’État entendu, Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit

Le trésorier de la fabrique de l’Eglise de St Illide, département du Cantal et la Mairie de cette commune sont autorisés, chacun en ce qui le concerne, à accepter la donation d’une maison évaluée à six mille francs et destinée à servir d’Ecole pour les jeunes filles et de logement aux institutrices faite à cet établissement par les demoiselles Anne Parra et Jeanne Jenny Lascombes, suivant acte public du 30 avril 1827, aux clauses et conditions qui y sont exprimées et à la charge par les donatrices de confirmer par acte public la modification des articles 4 et 6 de l’acte de donation ainsi qu’elles s’y sont engagé par acte sous seing privé au 17 janvier 1828.

En 1829, cet établissement comptait 3 classes avec un total de 90 élèves en hiver et 60 en été. Les élèves accueillies dans cette école payaient, selon les ressources de leurs parents, 1,25 F ou 1,75 F par mois.

Le nombre de filles de la commune en âge d’être éduquées étaient bien plus important. Mais, soit l’éloignement de leur domicile, soit le coût, même modique, de l’école ne permettait pas à toutes ces enfants d’aller à l’école. C’est la raison pour laquelle quatre autres personnes ( Melles LAGOUTTE, LACROZE, LEURIT et PARRA) elles aussi, enseignaient aux filles, mais sans autorisation ; elles étaient installées à Laveissière, à Lasserre et à La Bontat. Leur statut de répétitrice à domicile pour les enfants de riches propriétaires leur donnait l’occasion de faire profiter de leur enseignement, en même temps, des filles moins fortunées et trop éloignées du bourg pour être envoyées à l’école de Melle Lascombes.

Cet état de fait n’avait pas échappé au Comité de Surveillance de l’Instruction Primaire ; voici ce qu’il écrivait au Préfet le 22 décembre 1829 :

Monsieur le Préfet,

Il existe dans le bourg de St Illide un très bel établissement pour l’instruction des jeunes filles de la commune qui par son utilité devrait être encouragé par les autorités locales. C’est celui de Melle Lascombes il est desservi par quatre institutrices brevetées et autorisées . Deux autres institutrices réunissent dans un village éloigné les jeunes filles qui résident à l’extrémité de la commune. Elles sont aussi brevetées et Melle Lascombes les voit avec plaisir parce qu’elles ne peuvent venir à l’école du bourg et qu’il est juste que tous participent au bienfait de l’instruction primaire.
Mais dans le bourg même Jeanne Parra et Marie Anne Lagoute sans brevet ni autorisation se permettent de tenir chacune une école, et aux portes du bourg il en existe encore deux, celle de Marguerite Lacroze au village de Laveissiere, celle de Marie Leurit à celui de Labontat. ...


Monsieur le Préfet ne peut pas laisser les choses continuer ainsi. Il l’écrit à Monsieur le Maire de St Illide :

…. cet état de chose ne peut être toléré par l’administration , et je pense, Monsieur le Maire, qu’il suffira que vous en soyez prévenu pour le faire cesser. Veuillez, je vous prie, aussitôt ma lettre reçue, prescrire aux quatre institutrices ci-dessus désignées, de fermer leur école, de les avertir qu’à défaut par elles d’obéir à cette injonction, je prendrai de concert avec M. le Procureur du Roi les mesures nécessaires pour faire exécuter la loi.

Dans sa réponse, Monsieur le Maire, Basile Rengade, n’hésite pas à dire au Préfet ce qu’il en pense :

… En effet, Monsieur le Préfet, la commune de St Illide est très étendue et les villages y sont disséminés ce qui fait que l’instruction primaire sera toujours très négligée si on veut totalement la concentrer dans le bourg ; alors il n’y aura que le bourg et les villages environnants qui pourront profiter de l’établissement existant et les autres seront privés de toute espèce d’instruction .

Le village de Labontat qui se trouve un des plus éloigné a toujours eu une maîtresse d’école ; celle-ci est presque comme toutes les autres ; elle n’a pas d’institution spéciale pour St Illide ; elle ne l’a que de fait puisqu’elle y enseigne depuis très longtemps et sans le secours de Mr le Chevalier de Bar gendre de Madame de Veillant qui y possède un domaine et un château et qui fait annuellement le sacrifice de loyer, chauffer et fournir les légumes à l’institutrice, ce village se verrait privé de l’instruction primaire sans pouvoir à cause de l’éloignement profiter des bienfaits de l’établissement de St Illide ; à cause de la nécessité de cette institutrice et pour répondre aux bontés de Mr de Bar j’ai cru devoir tolérer l’institution de la Delle Leyrit munie de son brevet de capacité qu’elle obtint en vertu de l’ordonnance de 1816 jusqu’à ce qu’elle ait son approbation pour St Illide qu’elle va s’empresser de demander.
D’après les informations que j’ai prises sur le compte des autres institutrices , la Delle Lacroze, fille d’un honnête propriétaire enseigne les enfants de la maison trois ou quatre pauvres gratis et les autres du village – ce village est d’ailleurs à trois quart d’heure de chemin de St Illide.


La Delle Parra enseigne au lieu de Lasserre et fait l’instruction des enfants d’un des plus forts propriétaire nommé Darnis et elle lui a permis de prendre quelques autres petits enfants du village, qui éloigné de St Illide de 3/4 d’heure de marche ne prive d’aucune manière la Delle Lascombes du plaisir d’enseigner..

Voilà M le Préfet à quoi se réduisent les griefs de cette contravention aux lois . Deux filles dévotes qui par zèle plutôt que par intérêt enseignent des enfants qui par leur age et le peu d’aisance de leurs parents ne pourraient sans cela participer au grand vœu de notre monarque de voir l’instruction primaire propagée, contreviennent dans ses vues à ses ordonnances sur l’instruction qui méritent dans tous les cas d’être plutôt étendues que restreintes.

Peut-être d’autres courriers ont-ils été encore échangés ensuite ; les Archives Départementales du Cantal ne les ont pas conservés. On ne pourra donc pas savoir si ces quatre institutrices purent continuer ou durent fermer définitivement leurs classes.

Quant à l’école des filles, elle a continué son activité. Le 11 mars 1865, le Conseil de Fabrique trouvait que les dépenses engendrées étaient importantes et se demandait s’il ne serait pas avantageux de donner cette école à gérer au Couvent Notre Dame d’Aurillac par bail à ferme. Il ne semble pas que l’idée ait été retenue.

Les lois de Jules Ferry de 1881 sur l’École gratuite ont permis à l’école de filles de continuer à exister sur la place de l’Église jusque dans les années 60.