QUELQUES ÉCHOS DU XXéme SIÈCLE A SAINT-ILLIDE
A TRAVERS LES DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL MUNICIPAL


En un siècle, que de transformations dans le Monde et en France !
Saint Illide aussi a beaucoup changé en 75 ans (volontairement, nous n'avons pas dépouillé les délibérations postérieures à 1975).

La lecture des actes du conseil municipal de Saint Illide révèle tellement d'évolutions, de changements, parfois minces pris individuellement, voire anecdotiques, mais dont ressortent au bout de la lecture des tendances fortes, révélatrices d'un mouvement irrésistible.
En voici quelques exemples...

I - ST ILLIDE ENTRE DANS L'ÈRE MODERNE


Citons d'abord pour mémoire : L'électrification de la commune réalisée dès 1915 - le téléphone installé à partir de 1902 - le réseau d'eau potable dans le bourg, puis dans les villages amorcé dans les années 30 - le réseau d'égout desservant le bourg, puis les villages jusqu'à Albart datant des années 90 - l'extension du réseau routier achevé dans les années 80.

Plusieurs chapitres de notre site font en effet mention ou sont consacrés à ces événements.

Il est évident que toutes ces réalisations fondamentales ont transformé la vie des habitants de St Illide à un point tel que leur absence paraîtrait aujourd'hui inimaginable.
Une défaillance sur un de ces réseaux devient très vite un drame qui appelle immédiatement protestations et mesures d'urgence...

Mais revenons un moment sur l'électrification de la commune, particulièrement l'éclairage public :

C'est en 1915 que M. CARLES, propriétaire du moulin de Puech-Mège, fournit l'électricité aux particuliers de la commune, en sa qualité de concessionnaire pour 25 ans, mais aussi « l'éclairage à la lumière électrique du bourg de St Illide et des villages de ladite commune, de l'Hospice d'Albart ainsi que des propriétés communales » (délibération du 10 mai 1913).


Quelques mois plus tard, le 6 novembre 1913, le conseil municipal fixe très précisément les conditions de l'accord :
Le concessionnaire installera « 10 lampes pour les voies publiques, la cabine du transformateur se trouvera derrière l’église. L’installation des lampes sur les voies publiques et dans la Mairie sera faite gratuitement par M. CARLES. »
Le tarif est de « 24 francs par an et par lampe de 25 bougies, comprenant l’installation, l’entretien et le remplacement des lampes hors de service, mais non les lampes brisées (ces dernières seront fournies à la commune à prix coûtant ). La Mairie sera éclairée gratuitement au moyen de deux lampes de 16 bougies dans la salle du conseil municipal et d’une lampe de 25 bougies en bas de l’escalier conduisant à la Mairie. »

Il n’y a pas de petites économies quand il s’agit de ménager les deniers publics…


Le conseil municipal s’efforce d’argumenter habilement, voire de dramatiser un peu la situation, quand il veut obtenir des crédits de l’Administration.
En l’espèce, il s’agit de l’aménagement de la voirie dans le bourg.
Nous sommes en septembre 1956 et le conseil, dans un style plein d’élégance, alarme les pouvoirs publics :

« Le conseil estime qu’il est de son devoir de signaler d’une façon pressante, le caractère dangereux que présente la circulation automobile sur la route départementale n° 43 dans la traversée du bourg de St Illide. Ce danger, démontré cette année même par de multiples accidents, dont un mortel, d’autres extrêmement graves, résulte exclusivement de ce que la route départementale se trouve en quatre endroits distincts, étranglée entre les enclos riverains, ces étranglements s’aggravant, par une fâcheuse fatalité, en ces mêmes endroits, de tournants brutaux et imprévisibles, surtout pour les conducteurs étrangers au pays. Le mal n’est d’ailleurs pas sans remède. Il suffirait, pour y remédier, de le vouloir et d’entreprendre suivant un plan méthodique, l’élargissement et le redressement des quatre tournants dangereux.
Le plus critique est celui qui, entre l’enclos VIARS et l’enclos MIRABEL a été le plus fréquemment le théâtre des accidents signalés. Son redressement et son élargissement ne sauraient entraîner pour le département une dépense excessive. Les circonstances font que le principal propriétaire intéressé y prêterait, sans doute, son concours.
Le conseil municipal estime de son devoir de signaler la gravité du mal et l’urgence d’y pourvoir. Il le fait, par le présent ordre du jour, avec une conviction unanime à laquelle il entend donner ce caractère d’un avertissement respectueux mais urgent. »

Qu’en termes élégants, ces choses là sont dites.. ! Quoiqu’il en soit, le problème est désormais réglé, au moins pour ce tournant mortifère.


Il n’y a pas que les voitures à provoquer des accidents. Dès les années 60, les avions s’y sont mis, encombrant le ciel du Cantal et de St Illide.

C’est l’objet d’une délibération du conseil du 25 septembre 1965 : « Depuis de nombreux mois, la tranquillité et le repos des habitants sont troublés quotidiennement par les détonations balistiques que provoque le passage d’avions franchissant le mur du son et le maire invite l’assemblée à se prononcer sur l’opportunité des mesures à prendre dans le cadre de la lutte contre le bruit.
Considérant que ces bang supersoniques ont pour effet de commotionner les populations et plus particulièrement les personnes cardiaques et autres malades,
Considérant l’atteinte intolérable que constituent pour les personnes, les habitations et les animaux, les vols supersoniques de jour et de nuit, toujours plus nombreux,
Demande à M. le préfet de bien vouloir intervenir. »


Est-ce la multiplication de ces protestations - ou le plus grand souci de l’armée de l’air de diminuer les gênes imposées à la population – ou tout simplement la réduction des crédits militaires – ou toutes ces causes à la fois ? Toujours est-il que les bang, s’ils n’ont pas disparu dans notre ciel, se sont faits beaucoup moins nombreux…


Mais le progrès et le modernisme ont beaucoup d’effets heureux, par exemple l’élévation du niveau de vie et du confort des Miraliers.
Le nombre de véhicules automobiles s’est multiplié, les appareils élecro-ménagers, la TV, le téléphone fixe et mobile, sont présents dans quasiment tous les foyers.
Les maisons sont plus coquettes, mieux meublées, plus fonctionnelles, mieux chauffées.

Pour se convaincre du chemin parcouru, une délibération du conseil municipal du 24 avril 1966…

A cette date, le logement de fonctions du receveur de la Poste ne comporte toujours pas de WC à l’intérieur de l’appartement, ni de douches…
Le conseil municipal de St Illide est d’accord pour considérer que « dans la pièce où serait placé le WC, il pourrait également être installé une douche à moindre frais ».
Mais s’il est d’accord sur le principe de ces travaux, il pose la condition que « l’administration des Postes accepte de prendre en charge la moitié de la dépense. »

Exigence qui paraît impensable aujourd’hui.

Il faudra attendre encore 6 ans, décembre 1972, pour que le presbytère, propriété de la commune et dans lequel loge le curé de St Illide, soit à son tour modernisé, non sans réticences…

Déjà en juillet 1972, le conseil municipal avait décidé de construire une salle de bains au presbytère et de refaire les peintures extérieures.
L’ayant appris, le curé demande, plutôt qu’une salle de bains, l’installation du chauffage central, sans doute bien nécessaire dans cette grande bâtisse vétuste.

Le conseil hésite tout « en reconnaissant que cette installation serait malgré tout d’une grande utilité, en vue particulièrement de l’assainissement de l’immeuble » et envoie sur place la commission des travaux.
Un vote à bulletins secrets est exigé, signe de dissensions sur la question au sein de l’assemblée, mais la décision est enfin prise : le chauffage central sera installé pour 11.718 francs et le curé aura le droit de ne plus avoir froid dans son immense logement.


Quelquefois, le modernisme a ses excés, ses péchés de jeunesse. St Illide y cède, comme ailleurs.
L’écologie, par exemple, est une idée toute récente : la préservation de la nature aurait paru un concept bizarre à nos grands-parents. Seul, le progrés compte et l’homme n’a pas à se préoccuper de l’équilibre naturel.

Ce qui paraissait, il y a quelques décennies encore, relever du romantisme ou du rêve, s’est peu à peu imposé.

Peut-on imaginer aujourd’hui une décision analogue à celle du conseil municipal du 11 février 1906 ?
Ce jour-là, l’assemblée décide « de couper et de vendre le grand ormeau qui avoisine l’école des garçons, attendu que cet arbre cause un grave préjudice au jardin de l’instituteur. »


Mais plus grave de conséquences, et déjà très contestée à l’époque, est la décision prise le 7 janvier 1962, de supprimer les arbres bordant la route de St Illide à Albart.
Dans la demande initiale, émanant d’un riverain, il ne s’agissait pourtant que de l’élagage d’un seul platane.

Le conseil municipal, prétendant (sur quelles bases ??) que tous ces arbres appartiennent à l’hospice d’Albart, propose de les vendre et considère que ces arbres « d’ailleurs pour la plupart déperissants, très gênants pour la circulation, risquent de causer des perturbations dans la conduite d’eau qui les longe. »

La décision sera effective le 3 août 1969…


Les Miraliers du 3éme âge, ou même un peu plus jeunes, se souviennent certainement de ces magnifiques platanes bordant la route à la hauteur du cimetière, puis jusqu’à Albart.
C’était une superbe promenade, majestueuse et ombragée, qui fait bien défaut aujourd’hui.


II – MAIS PERD PLUS DE LA MOITIE DE SES HABITANTS…

1.550 habitants en 1904 - 668 en 1999.

Plusieurs chapitres de notre site évoquent et analysent cette chute démographique qui, aujourd’hui, pourrait se stabiliser, voire s’inverser légèrement…
Ses conséquences sont visibles : disparition de beaucoup de commerces, d’entreprises, d’artisans, d’échanges.
Il suffit pour s’en convaincre de relire le chapitre consacré à St Illide pendant les années 40.

En 1913, deux services de courrier unissent tous les jours St Illide à St Cernin, mais le conseil municipal apprend qu’« il est question en haut lieu de les supprimer. Considérant que ladite suppression porterait un grave préjudice au commerce de St Illide, qu’elle aurait pour résultat de supprimer tout communication directe entre l’importante commune de St Illide et son chef-lieu de canton…prie instamment l’administration de conserver le courrier tel qu’il existe actuellement. »

Aujourd’hui, plus de transports collectifs à St Illide : ni train, ni car, ni courrier, hors les transports scolaires…


Les foires étaient des événements importants, depuis des siècles et jusque dans les années 50 : à St Illide, elles étaient mensuelles et, la plupart du temps, très fréquentées.

Le conseil municipal était d’ailleurs invité par le préfet du Cantal à donner son avis lorsqu’une nouvelle foire devait être créée dans une autre commune, plus ou moins proche de St Illide.
Trois délibérations sur ce thème et à chaque fois, un avis très défavorable à des créations de nouvelles foires à Naucelles, Aurillac et St Cernin.
Il faut bien se défendre de la concurrence…

Seule la foire du 1er Mai a survécu et c’est aujourd’hui la plus grande manifestation de la commune, plus fréquentée que la fête votive, avec, outre la foire traditionnelle, de nombreuses activités distractives et culturelles.


En 1925, St Illide perd aussi l’office de notaire, sur décision du procureur de la république d’Aurillac.
Depuis fort longtemps, un notaire officiait dans la commune, d’abord à Gounoulès puis dans le bourg [maison LAPORTE]. Le dernier titulaire de la charge sera Maître Auguste LAFONT.

Pourtant, en juin 1925, le conseil municipal proteste vigoureusement contre cette suppression : « Le notariat rend de véritables services, non seulement à la commune de St-Illide mais encore aux communes voisines, entre autres St-Santin Cantalès, Arnac, Besse, St-Martin Cantalès, que Maître LAFONT visitait régulièrement ou dont les habitants venaient traiter les affaires en son étude…La commune de S-Illide souffrira particulièrement de cette suppression du fait que depuis de longues années, elle possédait une étude de notaire et que celle-ci est supprimée juste au moment où le besoin de notaire semble se faire de plus en plus sentir, où l’on recourt à lui plus facilement et plus volontiers. Le notaire de St-Cernin ne viendra sur place que deux fois par mois et pendant l’après-midi seulement.. »

Cette permanence ne durera pas longtemps et les habitants de St Illide devront aller, bon gré mal gré, à St-Cernin pour régler leurs affaires patrimoniales et familiales.
Aujourd’hui, St-Cernin connaît le même sort que St-Illide et ne dispose plus que d’une antenne notariale…


En 1910, le nombre d’enfants scolarisés est très important. Rien d’étonnant dans une commune de plus de 1.500 habitants en un temps où les familles nombreuses constituent la norme.
L’école des filles vient d’être ouverte.
L’école des garçons (ancienne mairie) du Couderc-Majou est très chargée, malgré son agrandissement récent, sans compter l’école à classe unique de Labontat et surtout, l’école Ste Virginie, créée par Mme BOS-DARNIS, et qui, elle aussi, fonctionne à plein.

Le conseil municipal est très soucieux d’organiser la scolarité des enfants dans les meilleures conditions possibles.
Le 5 juin 1910, il décide de créer une classe enfantine qui sera installée à l’école des filles dont « le nombre d’élèves tend à augmenter chaque année et que, par suite, les deux maîtresses seront bientôt surchargées. »

L’école des garçons compte aussi beaucoup d’élèves pour trois maîtres, « la troisième classe compte jusqu’à 50 élèves. »

« Attendu que le bourg de St Illide est assez populeux…Dans ces conditions, la création d’une classe enfantine rendrait les plus grands services à une fraction importante de la commune. Qu’elle ne supporterait de ce chef aucune charge nouvelle, l’école des filles prévoyant trois classes et le logement de trois institutrices. »


Le 27 juin 1912, le conseil rappelle l’effort qu’il a accompli en quelques années et qui mérite bien une aide active de l’administration.

« Le conseil municipal, considérant que la commune de St Illide vient de faire construire une école des filles à trois classes et une cantine scolaire ; considérant qu’il n’y a pas bien longtemps qu’elle a fait édifier une école mixte à Labontat et agrandi l’école des garçons ; considérant que les constructions et agrandissements se sont élevés à la somme de 66.899 francs ; considérant que la nouvelle école des filles de St Illide est dépourvue de tout matériel d’enseignement et que celui de l’école des garçons est hors d’usage ; considérant que les sacrifices considérables que la commune de St Illide s’est imposés pour se pourvoir d’établissements scolaires convenables, lui donnent le droit de compter sur la bienveillance de l’Administration,
Prie M. le ministre de l’Instruction Publique de vouloir bien lui accorder le matériel nécessaire à l’enseignement de la géographie, du système métrique et des sciences, ainsi qu’une collection d’images et de jeux pour la classe enfantine. »


En 1924, tout a changé et la population enfantine a beaucoup diminué, tant la saignée de la guerre 14-18 a été forte.
L’Administration, tout comme elle le pratique aujourd’hui, en profite pour supprimer deux postes d’instituteurs, un à l’école des filles, l’autre à l’école des garçons.


Mais le conseil municipal ne l’entend pas de cette oreille et argumente vigoureusement.

Dans sa délibération du 28 décembre 1924 il « s’élève de toutes ses forces contre cette suppression et prie l’administration de considérer que nous sommes en ce moment à l’époque où, du fait de la guerre, l’effectif scolaire est le plus bas et qu’il va, dès l’année prochaine, se relever.

1 – En considérant l’état civil de la commune, les naissances qui de 37 en 1914 sont descendues à 27 en 1915, à 19 en 1916, à 18 en 1917, à 15 en 1918, à 14 en 1919, se relèvent dès 1920 à 26, à 34 en 1921, que l’effectif va forcément se relever : l’effectif scolaire en 1921-1922, les effets de la guerre se faisant lourdement sentir sur la population, était encore de 79 inscriptions garçons.

II – A St Illide, par suite des fondations scolaires BOS-DARNIS, la fréquentation se maintient régulièrement toute l’année scolaire ; à cause des prix des concours, il y a très peu d’enfants loués l’été et l’école conserve son effectif toute l’année.
La commune de St Illide est ouvrière et prolifique ; il y a beaucoup de familles nombreuses et le relèvement rapide de la population laisse prévoir un effectif en hausse.

III – Enfin, dans l’intérêt du progrés des enfants qui sont bien plus sensibles quand on peut les répartir en trois divisions et que les classes ne sont pas surchargées ; il y a des économies qui coûtent cher. Le conseil demande instamment que ces postes soient conservés…

Le conseil prie également l’Administration de considérer que l’école des filles a une école libre concurrente et que la suppression de l’école enfantine la mettrait tout de suite en infériorité. »


Admirable texte qui en dit plus que tous les ouvrages historiques sur les conséquences de la Grande Guerre, sur les mœurs de l’époque qui engageaient encore les paysans à louer leurs enfants l’été et sur les convictions laïques et républicaines des élus.

Faut-il comparer l’effectif des écoles en 1924, sept classes fonctionnant à plein, outre l’école Ste-Virginie, avec les deux classes de l’an 2000, au moment même où est annoncée la fermeture, faute d’effectifs, des deux classes de l’école Ste Virginie ?

Un siècle est passé.
St Illide a gardé les mêmes apparences, le même visage, étiré sur son éperon rocheux, mais, en profondeur, que de changements !