Les Miraliers et leurs impôts avant la Révolution

Ayant eu la chance de retrouver aux Archives Départementales d'Aurillac, les registres des impôts payés par les habitants de St Illide entre 1744 et 1777, il est possible d'avoir une idée du niveau social de la population Miralière pendant cette période.

Nos ancêtres étaient soumis à différents impôts,
payés au roi :
la taille, un impôt par répartition ; la somme globale à percevoir était fixée par le roi puis elle était répartie entre les intendants qui fixaient ensuite la part de chacune des paroisses de leur circonscription.
la capitation, un impôt mis en place le 18 janvier 1695 à la suite de la crise économique de 1692 à 1694, et des difficultés financières dues à la guerre de la Ligue d'Augsbourg. Cet impôt devait être temporaire.
le dixième ou le vingtième, impôt exceptionnel créé en 1710, supprimé en 1717, remplacé par le vingtième en 1749, resté en place jusqu'en 1789 correspondant à 10 % puis 5 % des revenus de la propriété.
ou payés au seigneur :
le cens, redevance due au seigneur (pour St Illide, au Seigneur de Barriac, ou au Prieuré, ou aux Chapelains de Laroquebrou) qui possède des titres sur la terre.

Rôles du dixième pour l'année 1744 - 1745

Le rédacteur note ses observations en tête du registre :
" Cette paroisse est fort étendue, divisée en quartiers, et située partie en montagne, partie en plat pays, découvert et sans bois. Son revenu n'est  pas proportionné à son étendue, puisqu'il y a plus de la moitié des terres infertiles. Toutes les denrées de la production des biens fonds sont consommés par les habitants ou bestiaux.
Le revenu effectif de cette paroisse provient des bestiaux. Les maisons sont habitées aux trois quarts par des chaudronniers, rhabilleurs et autres habitants d'industrie qui sont absents 9 mois de l'année. Les prés sont d'une qualité assez grossière, chargés de brossiers ou autres méchantes herbes. Les terres labourables de toutes classes reçoivent en semence du blé seigle et se sèment par moitié. Elles rapportent en blés de mars, blés noirs et quelque peu d'avoine."

Ces observations sont suivies de la liste des 198 contribuables de l'année, avec leur métier et les sommes dues.
Ainsi, on voit que les 3/4 de chaudronniers annoncés ne sont que 71, plus 2 marchands-chaudronniers, 12 rhabilleurs ( = réparateur de chaudrons) et 35 ramouleurs ( = réparateur de chaudrons par système de fonderie).  ( donc ils représentent tout de même les 3/5 de la population )
Parmi les autres Miraliers, on a 12 laboureurs, 14 brassiers , 2 vachers. Ils semblent peu nombreux, mais il faut se rappeler que les chaudronniers, lorsqu'ils rentraient au pays, redevenaient cultivateurs ; quant aux jeunes, ils ne sont pas contribuables mais leur travail de la terre était certaine.
Dans la paroisse, on trouve aussi 4 forgerons et 1 charron, 1 sabotier et 3 savetiers, 2 cabaretiers et 2 hôte / hôtesse, 2 maçons, 1 meunier et le sonneur de cloches.

Rôles de la Taille de l'année 1777

On y trouve 107 Miraliers imposables répartis en catégories établies selon  leur classe sociale, définies par le Roi.

Ainsi on a un contribuable propriétaire de domaine et moulin habitant la paroisse,
9 autres propriétaires de domaines mais n'habitant pas la paroisse
35 contribuables catalogués bourgeois, marchands et gros laboureurs
7 dans la classe des petits laboureurs et brassiers
26 pauvres, bergers, manouvriers, journaliers
19 fermiers
2 contribuables ( dont le curé) sont imposés pour les domestiques qu'ils emploient
2 Nobles sont exemptés

La somme à payer par la paroisse a été fixée par l'Intendant d'Auvergne et la répartition de la Taille, la capitation et autres impositions sur tous les habitants a été faite par les Consuls de la Paroisse à la demande de cet Intendant .

Ces consuls sont au nombre de huit, deux par quartier ; ils ont été élus pour un an par l'assemblée des habitants, sur la place publique, à la sortie de la messe. Pour cette année 1777, nous avons Jean Darnis et Louis Andrieu, son gendre pour le 1er quartier, Pierre Andrieu et Louis Raymond, son gendre, du Couderc, pour le 2ème quartier, Jean Dugeols gendre d'Antoine Darnis de Darnis, pour le 3 ème quartier, Jean et Géraud Depoux, père et fils de Carmonte, pour le 4 ème quartier. Ils devront collecter les sommes auprès des habitants de leur quartier, ils seront redevables sur leurs biens propres des sommes qu'ils n'auront pas récoltées.
Les contribuables paient au fur et à mesure de leurs possibilités ; les sommes encaissées sont inscrites à chaque fois sur le registre jusqu'au paiement final.

Que se passait-il pour ceux qui ne pouvaient payer ?

Comme aujourd'hui, on effectuait une saisie, pas sur les salaires mais sur les "fruits", c'est à dire les productions.

Ci-dessous le cas d'un tel contribuable de St Illide :

Le 22 juin 1782, à la requête de Jean Lagarde, consul du 4 ° quartier, Jean-Baptiste Delrieu, huissier, s'est rendu au domicile de Antoine E., laboureur du village de Labontat et l'a sommé de régler la somme de 88 livres inscrite dans le Rolle de l'année. Antoine E. a refusé donc l'huissier a pris, saisi et mis sous la main du roi et justice tous les fruits croissants et naissants qui naîtront et croîtront pendants ou par racines durant le cours de la présente année 1782 dans les biens lui appartenant.
En attendant leur mise en vente, tous ces fruits ont été confiés à la garde de Baptiste Dufau et Jean Laroumets, son gendre, habitants de Labontat, avec défense de s'en dessaisir et en être responsables sur leurs biens propres.

L'histoire ne s'arrête pas là !

Au mois d'août, Baptiste Dufau et Jean Laroumets sont sommés de présenter les fruits pour être mis en vente le lendemain, jour de marché. Impossible ! Le propriétaire s'en est emparé par voie de fait et refuse de les rendre ou de donner la clef de la grange où ils sont entreposés ; il refuse aussi de laisser faucher par Baptiste Dufau et Jean Laroumets les prés qui ne l'ont pas encore été.
Les deux commissionnaires devront-ils payer sur leurs propres biens ?
Ils envoient une supplique à l'intendant pour lui rapporter les faits et lui demander l'autorisation d'utiliser tous les moyens pour faire saisir ce qui reste à recueillir.
Ils obtiennent l'autorisation de poser des cadenas ou des plaques de fer et de faire la recherche des autres fruits saisis où il pourra s'en trouver le tout à fin de dépens.

Sont-ils rentrés dans leurs frais ? Les sommes dues ont-elles été encaissées ?
Nous n'avons pas la fin de cette histoire mais nous savons que Baptiste Dufau et Jean Laroumets seront élus Consuls du 4° quartier en 1785.