L'architecture intérieure (5)
L'église ne se trouve pas seulement dans son architecture et son mobilier. Si l'on veut bien la connaître avec son histoire, il faut aussi baisser les yeux et examiner son sol, son pavage.
Comme tous les anciens sanctuaires, l'église de St Illide a certainement reçu dans son sol de nombreuses sépultures au cours des siècles, jusqu'en 1776.
Depuis le haut Moyen Age, il était en effet courant d'enterrer les corps dans l'église, tant les croyants souhaitaient une proximité immédiate avec le lieu où siège la Présence Réelle du Christ.
Les seigneurs et leurs proches étaient les premiers à bénéficier d'une concession sous forme de tombe ou de caveau.
La noble famille de Barriac, seigneurs de St Illide depuis le 14ème siècle, disposait d'un caveau sous le maître-autel.
On sait qu'y fut inhumé le 17 avril 1754, "au tombeau de ses ancêtres", le dernier représentant de la lignée, mort sans postérité, Joseph-François de Barriac.
Le caveau existe t-il toujours sous le parquet du maître-autel, au centre du chœur ?
C'est peu probable. S'il n'a pas été détruit à la Révolution, il a dû être touché par les travaux de construction de la nouvelle sacristie en 1825 ; ou alors, il n'a pas été épargné par la réfection complète du dallage de l'église en 1879.
Cependant, une vérification ne serait peut-être pas inutile, à l'occasion...
On sait que la famille de Barriac disposait aussi d'un tombeau dans la chapelle Notre Dame [3ème chapelle Nord ] pour la branche familiale résidant au château du Perle.
L'autre maison noble de la paroisse, la famille du Prallat, seigneurs de Labontat, avait également son tombeau dans la chapelle St Jean-Baptiste [ 4ème chapelle Sud ].
Jean du Prallat y aurait été inhumé le 31 décembre 1604.
On connaît aussi la pierre tombale d'Antoine du Prallat, seigneur du Bellestat, enterré le 23 novembre 1732, sans doute dans cette chapelle St Jean-Baptiste. On se souvient en effet que cette pierre tombale a été récupérée lors de la construction des dernières chapelles Nord et qu'elle est érigée dans le mur extérieur de la première chapelle réalisée en 1846.
La construction de la chapelle de Labontat [ qui deviendra plus tard église ], sans doute au cours du 16ème siècle, conduira ensuite la maison du Prallat à pratiquer les inhumations au sein de cette chapelle.
Les registres des BMS [ baptêmes, mariages, sépultures ], recensés par Nadine Delpuech sur tout le 18ème siècle, révèlent que sur les 50 inhumations enregistrées, 25 ont été faites dans la chapelle de Labontat, dont onze appartenant à la maison du Prallat, y compris les personnels du château.
Douze inhumations à Labontat concernent des défunts qui semblent n'avoir aucun lien avec la maison noble.
Dans ce cas, le registre précise le plus souvent que l'inhumation a lieu "sans conséquences pour l'avenir", à savoir qu'elle ne créé aucun droit à inhumation dans l'église au profit des proches du défunt ...
Enfin, trois défunts appartenant à la famille du Prallat [dont Antoine] sont inhumés, non pas à Labontat, mais dans l'église de St Illide, de façon inexpliquée.
A St Illide, la chapelle St Michel [ 3ème chapelle Sud ] servait de tombeau aux curés et prêtres de la paroisse.
Sur le 18ème siècle, cinq sont déclarés être inhumés dans cette chapelle dont, le 21 novembre 1764, Guillaume Martin, "chapelain de l'hôpital du présent lieu". Les locaux de l'ancienne léproserie fonctionnaient donc encore à cette époque (voir l'article sur la léproserie).
Ce privilége accordé au clergé était universel dans l'église.
Le Rituel Romain de 1614 issu du concile de Trente, est formel lorsqu'il exige que "les sépulchres des prêtres et de tout le clergé doivent être, s'il est possible, séparés de ceux des laïques et placés dans un lieu plus honorable."
Le dallage actuel de l'ancienne chapelle St Michel laisse apparaître une grande dalle rectangulaire en schiste qui, par ses dimensions, pourrait être une ancienne pierre tombale, maintenue sur place malgré tous les bouleversements du sol.
On sait en effet, qu'en 1735, le dallage de l'église avait déjà été remis au niveau du cimetière qui l'entourait. L'église, par son poids, s'était enfoncée au cours des siècles. Il fallut combler le dénivellé, sans doute d'au moins 50 cm, ce qui explique que les socles des colonnes soient à peu près enfouis dans le sol.
C'est surtout au 19ème siècle que le dallage de l'église sera profondément bouleversé.
Déjà, dans le choeur en 1825, à l'occasion de la construction de la nouvelle sacristie, puis en 1849, en 1854 et encore en 1867 dans la chapelle Ste Agnès, comme en portent témoignage les registres de la Fabrique.
Mais, c'est principalement en 1878-1879 que s'opère la réfection complète du dallage de l'église.
Les membres du Conseil de Fabrique décident en avril 1878 "de refaire le dallage de l'église et ont voté la somme nécessaire pour cette réparation. Seront employés pour le dallage d'abord les vieilles pierres qui seront reconnues bonnes. Ces pierres seront employées dans les bas-côtés. Les autres pierres qui manquent devront être des pierres de Volvic."
On ne connaît pas le coût, certainement très élevé, de l'opération. Mais, à coup sûr, la "rente Bos-Darnis" de 800 francs perçue par la Fabrique depuis 1873, est passée par là...
Aujourd'hui, l'état du sol de l'église est assez disparate :
Dans la nef, comme prévu en 1878, la couverture du sol est faite en grandes dalles de pierre, avec des joints récents, un peu trop épais.
Quelques dalles pourraient être d'anciennes pierres tombales réemployées ou maintenues sur place.
Le sol du bas-côté Sud est constitué de carreaux de pierre de plus petites dimensions, avec à l'entrée et sur l'emplacement de la première chapelle, un sol assez dégradé en carreaux de brique ancienne.
Le bas-côté Nord s'amorce également en carreaux de brique ancienne, en meilleur état et se poursuit en dalles de pierre aux trop larges joints de ciment.
Très difficile, en l'état actuel, de se faire une idée du nombre d'inhumations réalisées dans l'église de St Illide au cours des siècles, la dernière étant celle de Marguerite Cors, le 6 août 1776, "fille de chambre" à Labontat.
A cette date en effet, est tout juste intervenue une ordonnance de Louis XVI du 10 mars 1776, interdisant, pour des raisons de salubrité et de risques de contagion, d'enterrer les morts dans les églises.
On sait que, dans la plupart des lieux de culte en France, les inhumations étaient nombreuses, même si le mouvement s'est ralenti aux16ème et 17ème siècles.
Hors les aristocrates et le clergé, il était fréquent, pour une somme faible ou même gratuitement, d'être admis à reposer dans les parties de l'église qui n'étaient pas concédées.
Des "caveaux communs" existaient dans presque toutes les paroisses mais le repos éternel n'y était pas garanti. Dès que ces caveaux étaient pleins, les restes des générations précédentes, comme dans les fosses communes des cimetières, devaient céder la place à ceux des générations suivantes. Les restes rééxhumés allaient alors dans des ossuaires, dans une fosse au cimetière, voire dans les combles de l'église...
Aucun témoignage sur ces pratiques, qui nous paraissent aujourd'hui si étranges, dans notre église de St Illide.
Mais il est hautement probable, que là comme ailleurs, les enterrements dans l'église étaient fréquents depuis le haut Moyen Age, malgré les risques d'épidémies et les mauvaises odeurs dénoncées par les fidèles.
Le cimetière, souvent de petite taille, avait un caractère moins sacré et était souvent réservé aux étrangers à la communauté ou aux paroissiens peu zélés ou peu recommandables, selon les critères du temps...
On sait tout de même à St Illide, qu'en 75 ans de relevés des sépultures au 18ème siècle, outre les familles nobles, leurs proches et le clergé, une vingtaine d'inhumations ont été faites dans l'église ou dans la chapelle de Labontat, avec la précision habituelle "sans conséquences du présent ni de l'avenir".
On y trouve par exemple, deux notaires, deux métayers et même le 23 janvier 1741, deux époux, Jean et Marthe Lacrose, enterrés "le même jour dans le même tombeau".