La Saint Napoléon
En 1806, alors que le 1er Empire est à son apogée, on remarque que l'Empereur n'a pas de saint patron portant son prénom. Le grand homme étant né le 15 août 1769, on s'empresse de créer un Saint Napoléon à célébrer ce jour-là. Pour faire bonne mesure, un cardinal italien exhume du Martyrologue Romain (ouvrage de référence) un obscur "Neapolis", chrétien d'Egypte martyrisé au IVe siècle.
Le 15 août étant également la date de l'Assomption, on décide de célébrer ensemble les deux événements, de faire de ce jour la fête nationale française et on organise , de 1806 à 1813, dans tout l'Empire, des cérémonies à la gloire du régime.
A la Restauration, sous Louis XVIII, on oublie bien vite la "Saint Napoléon" même si certains groupes bonapartistes continuent à la célébrer secrètement.
La fête ne réapparaît officiellement qu'en août 1852, un décret du futur Napoléon III (le coup d'état a déjà eu lieu mais il n'est encore que "Prince président") l'instituant de nouveau comme fête nationale.
Tout est fait pour préparer les Français au rétablissement de l'Empire qui aura lieu 4 mois plus tard.
Un courrier est alors envoyé à tous les évêques de France :
Fidèle à la pensée de l'Empereur Napoléon, le Prince Président désire que nous célébrions dans le même jour la fête séculaire de la patronne de la France et celle du Chef de l'Etat. (...) C'est en son nom, Monseigneur, que je vous prie d'ordonner qu'un service religieux, suivi d'un Te Deum, soit célébré, le 15 août prochain, dans toutes les églises de votre diocèse. J'invite M. le Préfet à se concerter avec vous, Monseigneur, pour ce qui concerne la partie religieuse de cette solennité nationale.
Mais il faut que le peuple soit associé à cette fête ; de nouvelles instructions sont alors données aux Préfets :
L'intention du Prince Président est que le 15 août soit surtout signalé par des actes de charité et de bienfaisance. C'est à vous, Monsieur le Préfet, qu'il appartient de diriger le zèle des administrations municipales, afin que, selon les ressources des différentes localités, des distributions de secours extraordinaires soient faites aux indigents.
La machine est en marche et, dans le Cantal comme ailleurs, les choses s'organisent. L'évêque de St Flour répond avec empressement à la demande du Préfet. Sa lettre illustre à merveille ce que, dans les milieux de gauche de l'époque, on appelle la collusion entre le sabre et le goupillon !
Monsieur le Préfet,
Je n'ai pas manqué, sur l'invitation de M. le Ministre, d'écrire à mes curés pour les engager à collaborer d'une manière solennelle, conformément à la pensée du Prince-Président, la fête de l'Assomption (...). Il m'est agréable, Monsieur le Préfet, de profiter de cette circonstance pour vous réitérer le regret que j'ai eu de voir passer trop vite les instants que nous avons passés ensemble ; ce sentiment ajoute naturellement, vous le comprenez, à celui que j'éprouve de vivre trop loin de vous ; nous nous entendons si bien sur les rapports de nos deux administrations (...)
Ces célébrations, mentionnées dans les compte rendus du Conseil municipal de Saint-Illide, ne sont pas décrites avec précision. Un récit du commissaire de police d'Aurillac, daté d'août 1853 (l'Empire a été rétabli depuis 8 mois), nous éclaire sur l'habileté de l'Empereur et sur la manière dont il a soigneusement préparé son coup d'état en infiltrant tous les rouages de la société :
La St Napoléon a été célébrée à Aurillac avec une pompe inusitée à ce jour. Favorisée d'un beau temps, notre ville a réellement eu un jour de fête. Tous les employés des diverses administrations en costumes officiels formaient un ensemble magnifique. La journée a été très bien remplie. Après les solennités religieuses, la revue dans l'après-midi, l'ascension du mat de Cocagne sur le soir, au moment où les boites (?) fêtaient la fin de la journée, une musique ravissante traversait la ville et débouchait sur le foirail par la rue des Frères, suivie d'une foule compacte enivrée du plaisir de l'entendre. Enfin des illuminations de la soirée ont joint leur éclat à l'enjouement général. Sur la place du foirail, la façade inachevée de la nouvelle caserne de gendarmerie offrait le coup d'œil le plus agréable possible. Deux cents lampions éclairaient ces belles constructions. Sur la place de la Mairie où l'on y voyait comme en plein midi, on y dansait au son de la musette. L'ordre le plus parfait n'a cessé de régner partout. Pas une seule dispute entre habitants n'est venue troubler cette joie. Dès dix heures, les patrouilles de toute arme sillonnaient nos rues, à l'heure de la retraite tout était rentré dans son état habituel, le calme le plus complet.