Le téléphone manuel

Rappelons-le, concernant les télécommunications, la France a longtemps été en retard sur ses voisins et sur les USA.

En 1912, on compte un abonné pour 12 habitants aux États-Unis, 1 pour 71 en Grande-Bretagne et en Allemagne et 1 pour 183 en France.

Le téléphone automatique avec son cadran chiffré est une invention américaine de la fin du XIXe siècle qui ne commencera à pénétrer la France qu'en 1913 et ne se généralisera que soixante ans plus tard !!

Certains se souviennent sûrement des téléphones manuels en bakélite noire, munis d'un poussoir à la place du cadran et qui ont été utilisés à Saint-Illide jusque dans les années 1970. Ils avaient succédé aux appareils en bois à manivelle, maintenant pièces de collection ...

Téléphone à manivelle de 1910
Téléphone à poussoir

Voici comment fonctionnaient ces téléphones :

Les abonnés dépendaient d'un central téléphonique (pour les miraliers, celui d'Aurillac). Ces centraux employaient exclusivement des jeunes filles célibataires, les fameuses "demoiselles du téléphone", à la moralité irréprochable. Leur travail consistait, au moyen de fiches "Jack", à mettre en relation les abonnés de leur secteur avec les correspondants demandés. L'opération se passait en plusieurs étapes :

· l'abonné décrochait son téléphone et tournait la manivelle ou appuyait sur le poussoir.
· l'opératrice voyait le volet d'appel de l'abonné "chuter".
· elle branchait son casque sur le circuit de l'abonné et demandait le numéro (ou le nom) du correspondant.
· S'il s'agissait d'un abonné de son secteur, elle appelait directement ce correspondant, et mettait les deux abonnés en relation en branchant les deux fiches "Jack "sur son tableau.
· S'il s'agissait d'un abonné d'un autre secteur, ou d'un autre central, elle appelait l'opératrice correspondant à ce central et lui transmettait la demande. Elle reliait alors l'appelant sur un circuit auxiliaire qui le renvoyait vers la nouvelle opératrice, qui se chargeait du reste de l'opération.

La complexité du processus engendrait naturellement des dysfonctionnements, des plaintes, des récriminations mais aussi parfois une certaine complicité entre l'abonné et l'opératrice.

Les responsables des Postes et Télégraphes hésitèrent beaucoup à abandonner ce système et à passer à "l'automatique" car ils pensaient les Français incapables de retenir un numéro à 6 chiffres . C'était les sous-estimer, voyez plutôt le nombre impressionnant de codes que nous sommes maintenant tenus de connaître par coeur (numéro de carte bancaire, digicode, mots de passe internet ...).

L'automatique se développa et mit au chômage les opératrices car, comme dirait Alphonse Daudet, tout a une fin en ce monde, et il faut croire que le temps des demoiselles du téléphone était passé !