Le conscrit de l'an X

C'est le directoire qui instaure la conscription en 1798 (loi Jourdan). "Tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie". A partir de 20 ans révolus, tous les garçons doivent être inscrits ensemble (conscrits) sur les tableaux de recrutement de l'armée et y rester jusqu'à l'âge de 25 ans. La République puisera dans cette réserve selon ses besoins.
Dans les premiers temps, la Nation se contente de contingents assez faibles. Malgré tout, comme pour la levée en masse de 1793, cette participation forcée est très mal vécue par la population française (ci-contre, le départ du conscrit - Musée de la figurine de Compiègne).

En cette année 1802 (an X), Antoine Lalande, maire de Saint-Illide, connaît bien les réticences de ses concitoyens. Lui qui fut quelques années plus tôt commandant de la Garde nationale de la commune et fut chargé de la levée en masse, sait que cette expérience lui sera utile pour appliquer avec nuance les ordres du gouvernement. Car les trois Consuls (Bonaparte, Cambacérès et Lebrun) ont besoins d'hommes de troupe et ont mis les départements à contribution. Les exigences sont, pour l'heure, relativement modestes (la paix vient d'être signée avec l'Autriche et l'Angleterre) et Saint-Illide n'est tenu de fournir que 6 hommes pour 1801 et 1802 (an IX et an X).
La liste des soldats potentiels a été dûment dressée :

Pour l’an IX :

Nicolas Bouyssou du Fau
Jean Antoine Lafon
Jean Bouyssou
François Delpuech
Jean Pouliac
Antoine Montimart
Pierre Chapsal

Pour l’an X :

Jacques Delpuech de Puech-Mege
Jean Laroumets
Guillaume Verdier
Jean Lapié
Jean Serres
Pierre Menard
Jean Montagut
Jean Martin
Pierre Delpuech
Beausire Gerbon
Pierre Manhes
Antoine Darnis
François Chabrier
Pierre Darnis

De ces 21 hommes, tous ont un motif de ne pas partir :
Nicolas Bouyssou du Fau, Jean Antoine Lafon et Jean Lapié, sont réformés par « défaut de taille » (taille inférieure à 1,54 m).
Jean Bouyssou s’est fait remplacer.
Pierre Menard, Beausire Gerbon et François Chabrier ont été enrôlés dans d’autres départements (Ariège, Hérault et Gironde).
Pierre Darnis, Jean Montagut et Jacques Delpuech de Puech Mege demandent à être réformés par le Conseil de recrutement.
Les onze autre sont « absents du pays, plusieurs depuis longtemps ».
Jean Laroumets, retrouvé un an plus tard, sera réformé lui aussi (voir l'article sur son cas).

Le 18 Thermidor an X (6 août 1802), le Conseil de recrutement examine les cas de Pierre Darnis, Jean Montagut et Jacques Delpuech de Puech-Mege. Ils sont bien sûr tous les trois munis de certificats de plusieurs officiers de santé attestant qu'ils sont "hors d'état de soutenir les fatigues de la guerre". Le Conseil demande alors au chirurgien Lagoutte d'examiner les jeunes gens. Son rapport est sans appel : Pierre Darnis et Jean Montagut sont réformés, Jacques Delpuech de Puech-Mege ne souffre que d'une maladie passagère, il est donc bon pour le service. Le 28 Vendémiaire an XI (20 octobre 1802), la décision est officielle et le malheureux garçon sera seul à partir ...

EPILOGUE
L'histoire aurait pu en rester là si une descendante de Jacques Delpuech ne nous avait pas contactés pour nous donner des nouvelles de son ancêtre !! Eh bien, rassurez-vous sur son sort, il est sorti vivant de cette aventure, s'est marié au pays en 1808 (consigné comme bouvier au domaine de Puech Mege le jour de son mariage ), a eu 7 enfants et n'est décédé qu'en 1839. Peut-être a-t-il transmis à sa descendance son goût de la vie de garnison puisqu'un de ses fils fut "chasseur dans l'armée d'Afrique" (il eut moins de chance que son père et mourut près d'Alger des suites d'une gastro enterite méningite aigue).

Plus mystérieux est le cas des conscrits de l'an XII ...