Le corbillard de Saint-Illide (2)
II - UN SERVICE BIEN ORGANISE
C'est en novembre 1910 que le conseil municipal de St Illide réglemente
par le menu l'organisation des pompes funèbres et notamment l'usage du
corbillard.
D'abord, beaucoup de tenue et de propreté sont exigées de l'adjudicataire,
car le responsable du service est désigné pour 5 ans aux enchères
publiques.
" Les chevaux devront être en bon état, exempts de tares,
de couleur noire, jamais gris ou blancs."
Pourquoi ces 2 couleurs sont-elles interdites ?? Mystère !
" Le conducteur de la voiture aura un habit noir. La voiture elle-même
sera dans un état constant de propreté, soigneusement lavée
et graissée. Les harnais seront également noirs, propres et en
bon état."
Sans doute, ces exigences ont-elles été respectées pendant
quelques années, mais les Miraliers les plus anciens n'ont pas souvenir
que le cheval, ou les chevaux, car il pouvait y en avoir 2 à l'attelage,
dont un en flèche, étaient immuablement noirs. Quant au conducteur
tout en noir ??
Les souvenirs s'attachent davantage au caractère majestueux, presque
sacré de ce dernier voyage devant tout le village réuni pour la
circonstance.
La voiture avec ses tentures noires et blanches brodées, aux formes compliquées,
ses pots à feu, le cheval plus ou moins harnaché, voire caparaçonné
selon la classe, car il y avait 3 classes de funérailles, la 1ére
marquée par des éléments décoratifs supplémentaires
sur le véhicule et sur le cheval.
Et le conducteur, là-haut sur son siège, impassible ; le cercueil
au centre, à la vue de tous, couvert de fleurs...
Le bruit des roues cerclées sur le gravier de la rue, le piétinement
de la foule, la cloche sonnant le glas tout le temps du trajet, l'allure lente,
majestueuse du convoi funébre, les cordons du poële aux 4 coins
du corbillard tenus par des amis ou des notables venus honorer le défunt,
comme un dernier lien physique avec lui.
Et derrière, la belle et haute croix en argent tenue par l'enfant de
choeur en robe noire et surplis blanc, puis le curé avec sa lourde chappe
de deuil brodée, en barette noire à pompon, les prières
récitées ou chantées, reprises par tous.
Et voilà la famille : les femmes, pliées de chagrin, recouvertes
de voiles noirs, presque anonymes, les pleurs, les sanglots, les mouchoirs tirés,
les hommes bien raides et endimmanchés, puis la foule des amis, relations,
connaissances, moins silencieux au fur et à mesure du long convoi, bavardant
même en se dirigeant vers le cimetière...
Quelle allure avait le convoi traversant lentement, solennellement le village,
au vu de tous, chacun s'arrêtant et se signant à son passage !
Quel respect manifesté au disparu, honorant du même coup sa famille,
fut-elle la plus modeste de St Illide !
Combien notre corbillard a-t-il fait de voyages, pendant sa vie active, entre
1910 et 1970 ?
Sans doute plus de 600, peut-être 800 et jamais, à notre connaissance,
le moindre incident, le plus petit manquement à l'organisation des funérailles
! Le corbillard, plus de 600 fois, a rempli son office, honoré le mort
et s'est paré pour le conduire en terre.
En
tout cas, jusqu'en 1970, le conseil municipal n'interviendra plus sur le déroulement
des funérailles, à 2 exceptions près :
On observera cette expression
du "cheval qui traîne le corbillard ", toujours utilisé,
dans tous ses actes, par le conseil municipal, pourtant peu gratifiante, au
lieu de "cheval attelé au corbillard" ou plus simplement "cheval
qui tire le corbillard", comme on le dit pour les boeufs qui tirent le
char.
St Illide n'a jamais été un pays de chevaux !!...
Toujours, les exigences
de l'entrepreneur sont mises en avant : les tarifs augmentent pace qu'il demande
de plus en plus cher.
On a là un bel exemple de l'érosion du franc : quasi stabilité
jusqu'en 1948, ensuite la hausse des tarifs galope...
Souvenons nous qu'en 1911, le tarif de la 1ére classe était de
20 francs. Il est de 400 francs en 1948 et passe à 975 francs en 1951,
puis 1.500 francs en 1952, 1.600 francs en 1957 [toutes classes confondues]
et 23 NF en 1962.
Mais comment était-il
donc ce corbillard ??
Bien proche sans doute, un peu moins beau peut-être, que celui qui vous
est présenté ici, mais ce n'est pas lui, car, à l'époque,
qui aurait pris des photos pendant les funérailles ?
Comment est-il aujourd'hui dans son abri ?
Bien fatigué, sans doute.
Un lecteur du site peut-être, demandera les clés à la Mairie
et nous enverra une photo de ce véhicule centenaire...