L'écrevisse


L'écrevisse est un crustacé d'eau douce, muni de pinces et comestible .

De façon plus précise, cet invertébré a le corps enveloppé d'une carapace rigide de chitine qui reste mince et souple au niveau des articulations ; il comporte deux parties, le céphalothorax et l'abdomen divisés en segments porteurs de nombreux appendices soit, de la tête à la queue : des yeux placés à l'extrémité de deux appendices mobiles, deux antennes courtes et deux longues, de courtes pinces servant à broyer les aliments, cinq paires de pattes dont les deux premières se terminent par des pinces puissantes lui servant à saisir ses proies et à se déplacer puis viennent cinq paires de pattes abdominales courtes et aplaties lui servant à nager, enfin l'abdomen se termine par cinq palettes qui forment une nageoire caudale qui, en se détendant brusquement avec l'abdomen, lui permet de reculer lorsqu'il est surpris et cherche à fuir .
L'écrevisse pond des œufs qu'elle garde sous son ventre sous la forme d'une grappe de couleur noirâtre ; l'incubation dure six mois et à l'éclosion les petites écrevisses ont un corps mou et sont donc très vulnérables, à six mois elles mesurent cinq centimètres et mettent près de dix à douze ans pour atteindre une dizaine centimètres ; sa durée de vie dans des conditions optimales peut atteindre vingt ans .

Dans nos rivières et ruisseaux du Cantal l'écrevisse autochtone est l'écrevisse à pieds blancs, cette espèce ne vit que dans des eaux fraîches très oxygénées et pures c'est-à-dire exemptes de toute pollution et dans des lits à fonds de sable et de graviers .
Il existe en France une autre espèce autochtone, l'écrevisse à pattes rouges qui elle vit dans des eaux calcaires, pas trop froides et à fonds terreux soit le plus souvent dans des lacs ou des étangs .

Ecrevisse à pattes blanches
Ecrevisse à pattes rouges
Ecrevisse américaine

Ces écrevisses peuplaient seules nos cours d'eau jusqu'à l'introduction, en 1970, des écrevisses dites "américaines " ce qui fut un véritable désastre pour nos espèces.
Pour être franc, il faut dire que depuis les années 50, la population d'écrevisses a diminué fortement année après année ; il faut en rechercher la cause dans des pollutions qui commençaient à se faire sentir même dans nos petits ruisseaux ( eaux d'égouts communaux incomplètement traitées, épandages croissants de produits toxiques utilisés en agriculture …) mais aussi à des prélèvements trop importants pour permettre à l'espèce de maintenir ses niveaux de densité car, nous venons de le voir, il faut près de dix ans pour qu'une écrevisse atteigne la taille réglementaire de neuf centimètres ( hélas loin d'être respectée et votre serviteur peut, puisqu'il y a prescription, avouer qu'il a lui-même fauté ) .

La pêche aux écrevisses était jusqu'aux années d'après guerre, et pendant les mois des vacances d'été, une des distractions favorites des familles et en particulier des enfants .

C'est une de ces journées que nous allons revivre :

La veille, il faut d'abord vérifier le matériel de pêche c'est-à-dire les "balances" ; une balance à écrevisse est formée d'un petit cerceau de métal d'environ vingt cinq centimètres de diamètre auquel est suspendu un petit filet à larges mailles raidi à sa base par un deuxième cercle, pour la soulever, une longue ficelle est accrochée par trois brins au cercle supérieur ...
Au centre du filet, un petit lien permet d'y fixer l'appât et c'est ce dernier qu'il faut préparer la veille. Comme l'écrevisse est carnivore, on l'attire avec des abats saignants : foie, rate, mou de veau, morceaux de tête de moutons voire, et c'est un mets de choix pour l'écrevisse, des grenouilles que l'on a pêchées et dont on garnit la balance après les avoir dépouillées ( la préférence de l'écrevisse pour de la viande faisandée est une croyance très répandue mais qui, d'après les spécialistes, relève de la légende ) ..
Pour transporter tout ce matériel, rien de mieux q'un sac de jute que nous allons chercher dans le coin de la maison où l'on range les sacs de grains et de son destinés à la volaille et au cochon .
Le jour venu , c'est un départ en famille , le plus souvent en ce qui concerne la nôtre , vers le ruisseau de Gounoulés .Arrivés sur place , il faut calmer les enfants et les empêcher de s'approcher trop prés du ruisseau pour ne pas effrayer les proies ; en réalité , à cette heure , les écrevisses sont cachées sous les pierres ou sous les racines des "rayats" , ces petits aulnes qui affectionnent les bords de l'eau , car l'écrevisse ne chasse que la nuit mais attirée par les effluves de notre viande elle sortira de sa cachette .
On coupe dans la haie la plus proche une grande tige de noisetier terminée par une fourche, élément essentiel pour poser et lever les balances.
On attache l'appât à la balance et c'est maintenant pour chaque enfant le moment de choisir l'endroit où poser sa balance, si possible un endroit plat ( posée de guingois, l'écrevisse risque de manger l'appât par-dessous sans pénétrer dans la balance ), à l'ombre, à l'abri du courant et près de caches habituelles de l'animal ; la ficelle qui tient la balance est posée sur la berge et repérée par une petite branche piquée dans le pré à cet endroit.
Lorsque les balances sont posées, il faut avoir la patience d'attendre quinze ou vingt minutes et surtout de ne pas s'approcher de l'endroit pour tenter de voir ce qui s'y passe .
Pendant ce temps, les écrevisses sortent de leurs demeures et vont s'installer sur la balance pour y dévorer l'appât.
Il va falloir maintenant lever la balance sans les alerter auquel cas d'un coup de queue elles s'enfuiraient vers leurs tanières. On s'approche donc lentement à quatre pattes ou même en rampant du bord du ruisseau et on introduit lentement la fourche sous la ficelle le plus loin possible ; alors d'un mouvement rapide on soulève la balance et on la jette dans le pré avec son contenu, c'est-à-dire et si l'endroit a été bien choisi, une masse grouillante d'écrevisses qui donnent de violents coups de queue pour tenter de s'échapper.
On compte celles qui font la taille car il s'agit de battre le record de la balance du frère, de la sœur ou du cousin et on remet à l'eau les trop petites.
L'après midi passe ainsi joyeusement, coupé par un bon goûter pris sur l'herbe à l'ombre d'un arbre.
Au retour la fête n'est pas finie car au repas du soir ou du lendemain, les écrevisses, cuites à l'eau bouillante, forment sur la table de magnifiques bouquets rouges vifs que chacun déguste ; à vrai dire il y a peu à manger dans une écrevisse : la queue après l'avoir débarrassée de sa carapace et les grosses pinces dont on suce la chair ( en ce qui concerne la queue, on n'épargne rien à ces pauvres bêtes, car, avant de les cuire, on tord la nageoire du milieu de la queue en tirant avec elle le boyau intestinal qui donnerait un goût amer lorsqu'on les mange ; cette façon de faire est cruelle mais elle entraîne la mort et évite à la bête d'être plongée vivante dans l'eau qui bout ) .
A la fin du repas les restes sont jetés aux poules qui en raffolent.

L'essentiel du plaisir de cette partie de pêche résidait donc dans l'après-midi passé en famille au bord du ruisseau et à bien y réfléchir, nous n'aurions pas perdu grand chose à les remettre à l'eau.
Nous venons, hélas, de revivre là des scènes qui relèvent d'un passé disparu avec nos écrevisses !
En effet, dans les années soixante dix ont été importées les écrevisses américaines ( variétés dites de Louisiane et de Californie ) qui en quelques années ont provoqué un déséquilibre écologique dramatique : voraces, se reproduisant rapidement, beaucoup moins sensibles à la pollution, creusant de profonds terriers dans les berges ( qui s'effondrent ), elles ont, sauf en de rares endroits, éliminé totalement nos espèces autochtones, déjà fragilisées il est vrai.
Seul point positif, la chair des américaines a les mêmes qualités gustatives.

Les résultats de cette invasion sont tels que les espèces américaines sont désormais classées nuisibles.
C'est ainsi qu'alors que nos espèces autochtones, là où il en reste, sont interdites de pêche ou au mieux pêchées un ou deux jours par an ( en générai 31 juillet ou 1er août ), les américaines par contre peuvent se pêcher, sous réserve d'être titulaire d'un permis de pêche.

L'écrevisse est un mets de choix pour certains gastronomes, aussi a-t-on tenté de les élever, le plus souvent dans des étangs, mais contrairement aux poissons on n'a pas réussi, jusqu'à ce jour, à utiliser la fécondation artificielle qui aurait permis de les multiplier beaucoup plus rapidement ; il faut donc se contenter de les élever en les plaçant dans des conditions optimales, en les nourrissant de viande fraîche hachée et de carottes coupées et en laissant l'animal se reproduire naturellement .