L'architecture intérieure (4)

Nous sommes dans la chapelle à droite du choeur, devant la statue de Notre Dame de Lourdes, là où très probablement , se situait l'ancienne sacristie.
En regardant vers l'Est, c'est-à-dire vers l'entrée de l'église, nous voyons l'enfilade du bas-côté Sud, plus étroit visiblement que le bas-côté Nord.
Au plafond de ces deux nefs latérales, on observe, de chaque côté, quatre voûtes nettement différenciées.
C'est qu'il y avait là, en effet, huit chapelles distinctes, construites à partir du XVème siècle et qui seront démolies au XIXème siècle, principalement par le curé Joseph Lacroze, avec l'intention de créer, de part et d'autre de la nef d'origine, deux nefs collatérales.
Nombreuses sont les églises du Cantal à présenter trois nefs, dans les mêmes conditions qu'à St Illide, dans l'objectif de donner plus d'espace aux nombreux fidèles mais aussi dans un souci d'esthétique difficilement compréhensible aujourd'hui.
Les responsables laïcs et religieux du début du XIXème siècle ne percevaient pas, semble t-il, que l'élargissement des églises porte forcément atteinte à l'élégance de la nef primitive.
 
Selon Rochemonteix, aucune église du Cantal n'a été construite d'emblée avec trois nefs, sauf à Montsalvy. Toutes les autres, assez nombreuses (St Mamet, Vebret, Chaussenac, Marcenat, Vèze, Charmensac, etc.), ont été transformées au XIXème siècle, élargies par des chapelles que l'on a réunies en démolissant les murs de refend.
Toutes sont méconnaissables... y compris la nôtre.
 
Mais revenons au temps des chapelles.

La chapelle où nous sommes, dans le bas-côté Sud du choeur, n'était pas la plus ancienne mais sa voûte gothique est certainement la plus remarquable. Elle est dite "à tiercerons", c'est-à-dire avec nervures en relief sur croisées d'ogives, créant ainsi plusieurs segments symétriques reliés à des clés de voûte secondaires.

La voûte à tiercerons
Selon l'abbé Bouyssou la chapelle serait de la fin du XVIème siècle, tandis que Rochemonteix pense qu'elle est plus ancienne, peut-être d'un siècle.
On ne peut s'empêcher de regretter, une fois encore, l'épais badigeon blanc qui recouvre cette voûte, comme il recouvre tout l'intérieur de l'église.
La chapelle était vouée à St Jean Baptiste et en 1834, elle était encore décorée de deux tableaux aux effigies de St Jean Baptiste et de St Antoine, oeuvres attribuées au peintre Fabry, autour de 1710.
La chapelle aurait pu être élevée par la noble maison du Prallat, seigneurs de Labontat, pour y établir ses tombeaux.
Jean du Prallat y aurait été enterré le 31 décembre 1604.
 
Les deux chapelles les plus anciennes étaient les chapelles dites "cruciales", car elles formaient intentionnellement une croix avec la nef.
Construites au milieu du XVème siècle, elles répondaient aux recommandations de l'évêque de St Flour sur la restauration des églises ruinées par la guerre de Cent ans et l'occupation anglaise.
Au Sud, accolée à la chapelle St Jean Baptiste, donc dans la première travée de la nef, la chapelle vouée à St Michel qui servait de tombeau aux curés de la paroisse.
 
Au Nord, en face de la chapelle St Michel,  la chapelle Notre Dame, sans doute bâtie aux frais de la noble famille Barriac d'Albars pour la branche résidant au château du Perle. En 1902, l'écusson de cette famille, qui avait là banc et tombeau, était encore visible sur la clef de voûte.
 
Chapelle Saint-Michel
Chapelle Notre Dame
Ces deux chapelles cruciales ont une voûte quasi identique. Celle ci est sillonnée de nervures prismatiques en relief qui se rejoignent sur des clefs circulaires  nettement individualisées, caractéristiques du style ogival finissant.
 
En face de la chapelle St Jean Baptiste, donc dans l'aile Nord du choeur, la chapelle est actuellement vouée au Sacré Coeur, avec deux statues très "saint-sulpiciennes", de Jésus et du curé d'Ars.
Comme dans la chapelle St Jean Baptiste en face, sont alignées là les dix stalles provenant de la collégiale St Chamant dont nous parlerons dans le chapitre consacré au mobilier de l'église.
Paul Roudié, dans son ouvrage sur ces stalles, pense qu'une partie (il parle de "débris") des panneaux latéraux et des dais qui surmontaient les stalles achetées par la commune en 1812, a été employée, après diverses mutilations, à la décoration de l'autel de la chapelle.
 
A l'examen, la partie basse du lambris perpendiculaire à l'autel, d'ailleurs quasi inaccessible, est peut-être d'origine, c'est-à-dire du XVème siècle, ainsi qu'éventuellement, quelques éléments de la décoration frontale basse de l'autel.
 
En réalité, il est difficile de distinguer les placages dans le style gothique datant du XIXème siècle des quelques décors provenant de St Chamant, datés par P. Roudié de 1485.
Si nous ignorons à quel saint était dédiée cette chapelle (peut-être au Saint Sacrement ou à St Roch auxquels deux "reinages" [fêtes votives] étaient consacrés ? ), nous n'avons pas de doute sur la date de sa construction.
 
Les comptes de la Fabrique nous permettent en effet de savoir que "la chapelle latérale au choeur" a été construite la même année et sans doute en même temps que la sacristie, en 1825. Le Préfet du Cantal attribuera en 1830, une subvention pour cette réalisation.
La voûte gothique de la chapelle ne doit pas faire illusion, non plus que celles des autres chapelles de l'église, hormis les trois des XVIème et XVIIème siècles que nous venons d'examiner.
 
Comme l'explique P. Moulier dans son récent ouvrage sur Mgr de Marguerye, ce prélat, selon la mode du temps, ne supportait pas les plafonds en lambris dans les églises, trop laïcs à ses yeux, et tranchait nettement pour St Illide lors de sa visite du 22 mai 1840 : "Les deux chapelles du bas, celles à gauche du choeur, sont lambrissées dans un mauvais goût, on devrait les voûter plus tard."
Les autres recommandations de l'évêque concernant la même chapelle sont, en revanche, incompréhensibles aujourd'hui : "La pierre sacrée et la statue de la chapelle à gauche du choeur devront être mises de côté"...
 
Pour revenir à la voûte de la chapelle, P. Moulier explique que la technique des "fausses voûtes" était à cette époque bien maîtrisée, avec un mélange de bois-plâtre ou en brique creuse. On obtenait ainsi, à faible coût, des imitations de bonne qualité de n'importe quel type de voûte, romane ou gothique, sans se préoccuper de leur caractère factice.
 
C'est une vraie déception de découvrir que sur les huit chapelles de notre église, cinq ont une fausse voûte, gothiques seulement en apparence car fabriquées au XIXème siècle, non pas en pierre mais en matériaux légers imitant la pierre.
Quatre d'entre elles se signalent par une clef de voûte en rosace.
On trouve d'ailleurs trace de ces imitations dans les comptes de la Fabrique, notamment en 1851 avec "un achat de briques pour les voûtes" et en 1869 où figure une dépense de 1.000 francs "pour la voûte des chapelles".
 
C'est le cas de la première chapelle en entrant dans l'église, au Nord, construite en 1846, six ans après la demande expresse de l'évêque de St Flour et qui reçoit, comme l'a demandé le prélat, les fonts baptismaux.
 
La chapelle qui la précède au Nord, est beaucoup plus ancienne.
Selon l'abbé Bouyssou, elle daterait du XVIIème siècle et était alors consacrée à St Côme et  St Damien.
Mais en 1720, un bref du pape Clément XI autorise la création, à la même place, d'un autel sous l'invocation de Ste Agnès et l'enrichit de précieuses indulgences. Ce patronage serait dû à l'influence de Delphine Lascombes, originaire de St Illide, qui avait joué un grand rôle dans la fondation à Aurillac de la congrégation de Ste Agnès en 1708, dont les tertiaires étaient familièrement appelées les "menettes".
 
Ces pieuses et simples filles non cloîtrées, vivent sous l'habit laïc, le plus souvent dans leur famille, et sont vouées à des oeuvres de charité, aux soins aux malades et à l'entretien de l'église.
"Soeurs du bouillon" comme on les surnomme aussi, les menettes représentent à St Illide une "puissance" au sein de la paroisse, comme l'avoue l'abbé Bouyssou. Les comptes de la Fabrique les mentionne fréquemment. Elles s'occupent du ménage de l'église, de l' "arrangement des chaises", du linge et de la fourniture de la cire.
Peut-être nos grands-parents se souviennent-ils encore d'avoir entendu parler dans leur enfance de menette Lagoutte ou de menette Clamagirand ou encore des menettes Marcenat, Magnes, Lacroze, etc., qui vivaient chez nous à la fin du XIXème siècle, voire au début du XXème.
Les menettes ont tardivement connu la notoriété avec la béatification en 1996 par le pape Jean-Paul II de la plus célébre d'entre elles, Catherine Jarrige, dite "Catinon Menette" (voir ci-contre), originaire de Chalvignac près de Mauriac.
 
Quoiqu'il en soit, l'autel de Ste Agnès à laquelle était aussi consacré un "reinage", très populaire à St Illide, à en croire les ressources qu'il apportait à l'église, présentait une statue de la sainte, acquise en 1831 et disparue ou volée au début du XXème siècle. L'autel présentait encore un retable avec un tableau où figuraient en même temps Ste Agnès avec l'agneau pascal, St Côme et St Damien. L'ensemble, retable et tableau, aurait disparu vers 1860.
 
Bien qu'ancienne, la chapelle était lambrissée lors de la visite de l'évêque en 1840. 
Que cachait ce lambris qui ne peut remonter au XVIIème siècle, époque de la construction de la chapelle ?  Probablement une voûte gothique d'origine, mais qui devait être dégradée, voire en ruines, sans doute après l'accident survenu au clocher et aux voûtes de l'église le 8 juin 1722.
Sur instruction épiscopale, le lambris sera, là encore, remplacé par une fausse voûte.
 
Cette chapelle Ste Agnès sera la dernière à disparaître, bien après que les deux cloisons de la chapelle Notre Dame soient abattues sans doute en 1808, les curés redoutant les réactions des menettes très attachées à leur sainte patronne.
Dans son ouvrage daté de 1902, Rochemonteix signale toujours l'existence de la cloison supportant l'autel de Ste Agnès. Celle-ci aurait donc disparu seulement au début du XXème siècle ? Ou est-ce une erreur de l'auteur ?
 
Restent les deux chapelles au Sud, attenantes à la vieille chapelle cruciale St Michel.
On sait qu'elles ont été construites à l'initiative du curé Lacroze en 1806, cette date figurant à l'extérieur, sur le pignon Ouest au Sud.
Les comptes de la Fabrique ne peuvent rien nous dire à leur sujet car ils ne commencent qu'en 1811.
Il est très probable que les deux chapelles ont été construites ensemble, sans mur séparatif intermédiaire et sans aucune dédicace à un ou plusieurs saints. Sur tout le XIXème siècle, les comptes de la Fabrique les auraient forcèment nommées.
Au même moment, le curé Lacroze supprimait les deux murs latéraux de la chapelle St Michel, au risque de provoquer des désordres dans le gros oeuvre, comme le rapporte l'abbé Bouyssou. 
A l'évidence, le curé Lacroze, comme beaucoup de curés du Cantal, cherchait à créer deux nefs collatérales débarrassées de leurs chapelles. Il fallait donc, dans sa logique, prolonger le bas-côté Sud sur toute la longueur de la nef centrale.
 
Ces deux chapelles sont également pourvues de fausses voûtes à la clef en rosace,  et devaient déjà l'être en 1840 car Mgr de Marguerye ne porte aucune prescription à leur sujet.
 
Voilà terminé notre voyage à l'intérieur de l'église et de son riche passé.  Reste à s'interroger sur les sépultures qu'elle contenait sous les autels ou sous les pierres tombales.  Quelles tribulations ont connues ces morts qui étaient ensevelis par privilège au sein du sanctuaire ?
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