Dans les armées napoléoniennes

Quelques jours après la bataille de la Bérézina, Napoléon laisse le commandement de ce qui reste de la Grande Armée à Murat et rejoint précipitamment la France pour réunir une nouvelle armée de jeunes conscrits. Le 11 janvier 1813, 350 000 hommes ont été mis à la disposition du ministre de la Guerre dont 150 000 de la conscription de 1814 qui seront levés par anticipation dès l'année 1813. Malgré cela il faut encore des hommes. Le 3 avril 1813 une nouvelle levée de 180 000 hommes est autorisée dont encore une fois  90 000 sur la conscription de 1814. Cette armée de 400 000 soldats, composée majoritairement de jeunes conscrits inexpérimentés, rejoint les restes de la Grande Armée dès le début de l'année 1813.

Dans les registres de la conscription de 1814 du canton de Saint Cernin, nous retrouvons les noms de 23 garçons nés à Saint Illide en 1794. Ils ont à peine 20 ans, sont déjà au travail comme cultivateurs, cordonniers, savetier, chaudronniers, bergers ...

Quatre d'entre eux seront réformés ou ajournés pour défaut de taille ; ils ne mesurent qu'entre 1m 49 et 1m59. D'autres sont réformés comme aînés de veuve ou comme frère de conscrit en activité.

Dix sont finalement enrôlés dans les armées napoléoniennes :

CAILAT Antoine

29ème régiment d'infanterie de ligne

CAZAL Pierre
DARQUET Jean
IRLANDE Jean
MARTY Bernard
SALVAGE Pierre
MARTY Cristophle

79ème régiment d'infanterie de ligne

SEILLOL Gabriel
BOUISSOU Pierre

118ème régiment d'infanterie de ligne

MARTIN Jean

Certains rejoignent, dès le 1er avril 1813, le 29 ème régiment d'infanterie de ligne. Les soldats de ce régiment étaient recrutés essentiellement dans le Cantal, le Rhône, la Loire, le Puy de Dôme, et la Haute Loire. D'autres sont envoyés dans le 79 ème régiment d'infanterie de ligne au mois de mai 1813 et les derniers dans le 118 ème régiment d'infanterie de ligne en septembre.

Le 29 ème de ligne fut engagé aux batailles de Ohra et Dantzig en 1813, lors du siège de Dantzig par les troupes russes et prussiennes contre les troupes de la Grande armée. L'année suivante, ce régiment fait partie des  42 000 hommes engagés pour soutenir le siège de Hambourg, qui dura près de six mois. Et en 1815, ce fut la bataille de Waterloo.

Le 79 ème de ligne a été engagé lors des victoires de Lutzen, Bautzen, et Dresde en 1813, victoires qui ont tout de même fait 48 000 morts ou blessés parmi les troupes françaises !
En 1814, les troupes ennemies franchissent le Rhône, d'autres envahissent la France par le Jura.
Les soldats de ce régiment font partie des troupes françaises établies près de Voiron et qui arriveront à repousser les troupes autrichiennes à Genève.

Les troupes du 118 ème de ligne, pour leur part furent engagées dans la guerre contre l'Espagne. C'est la fin de la guerre d'indépendance de l'Espagne avec les batailles perdues de Pamplune et Bidassoa en 1813. En février 1814, c'est la défaite d'Orthez dont un épisode, mettant en scène les jeunes conscrits, nous est rapporté dans les mémoires du Capitaine Jean-Baptiste Lemonnier Delafosse :

Mémoires du Capitaine Jean-Baptiste Lemonnier Delafosse
Aide de camp du général Soult (frère du Maréchal)


« ... A ce moment, un bataillon arrivait par la rive gauche de la Luy-de-Béarn ; conscrits, en bonnets de police et capote, mais armés, ils rejoignaient le dépôt. Le maréchal s'en empara, ordonnant à son chef de se former en bataille pour barrer le pont, et d'y rester l'arme au bras jusqu'à passage complet de la cavalerie. Ces pauvres conscrits, pour la première fois, se trouvaient donc au feu, et des hauteurs occupées par l'ennemi, recevaient, ainsi que la cavalerie, les boulets et les obus.
On avait, pendant ce temps, cherché un gué; mais les adjudants-majors du 4e régiment vinrent dire au maréchal que, bien que la rivière parût guéable dans certains endroits, il était de toute impossibilité d'y descendre, attendu son encaissement par des écores de quinze à vingt pieds.
L'artillerie ennemie continuait ses feux, et le chef du bataillon des conscrits ayant obéi, représenta au maréchal que ses hommes n'avaient pas de cartouches, et que les fusils étaient garnis de pierres en bois: Tenez bon, lui dit le maréchal, votre assurance fait tout. Là, l'on vit des conscrits entendant le canon pour la première fois, voyant ses effets, rester en bataille de pied ferme, l'arme au bras, comme de vieux troupiers, sous un feu meurtrier et sans une cartouche, tandis que la masse de bons soldats, épouvantée, fuyait la giberne pleine. Elle fuyait si compacte que c'était à faire croire à une manoeuvre ... »

Suivront les défaites de Vic-de-Bigorre et Toulouse avant l'abdication de Napoléon le 6 avril 1814.

Comment ces dix jeunes ont-ils survécu ? Dans les mémoires, plusieurs officiers se plaignent que ces soldats, enthousiastes, sont décimés par les maladies et les marches forcées, que des hommes "faits" peuvent supporter. Près d'un conscrit enrôlé sur deux ne revenait pas : tué au combat, plus souvent mort de maladie, ou disparu

On ne retrouve pas ces dix Miralier dans les registres d'état civil mais peut-être y a-t-il parmi nos lecteurs - qui sait ? - certains de leurs descendants. Qu'ils n'hésitent pas, s'ils ont des informations sur le destin de leurs ancêtres conscrits, à nous les faire partager ...