Le patois

St Illide est en Occitanie, région qui recouvre  le sud de la France, la limite nord généralement admise passant par la Haute Vienne et le Puy de Dôme. Cette région est caractérisée par sa culture et sa langue qui n'était pas le Français mais l'occitan.

            Qu'est-ce que la langue occitane ? Ce n'est pas un patois -le patois est du français déformé-, c'est une langue.  C'est tout simplement la langue issue du latin populaire parlé. Cette langue, avec les évolutions que l'on peut imaginer a été parlée -par tout le monde- et écrite –par quelques uns- durant des siècles. Mais, vint l'édit de Villers Cotterêts signé par François Ier en 1539 : "que tous arrests et autres procédures soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement".

            L'occitan écrit fut donc délaissé ; la société occitane étant rurale et sédentaire, des "dialectes", ou "parlers" se développèrent, différant parfois d'un versant d'une crête à l'autre, de la rive d'une vallée à l'autre. Les gens n'écrivaient pas mais ils parlaient et cette langue leur a permis jusqu'à nos jours de communiquer, de discuter, de se disputer, de s'aimer…

            De source autorisée, on estime qu'à l'heure actuelle deux millions de Français pratiquent couramment la langue occitane  et qu'elle est comprise et parlée occasionnellement par six millions d'entre eux.

            Il y a seulement  cent ans, en dehors de l'école, on n'entendait pas beaucoup de mots de la langue française ; mais, la pratique de la langue occitane a été combattue par les pouvoirs publics au moyen, notamment,  des instituteurs de la 3ème République. Ces derniers, payés pour apprendre le français aux  enfants des populations laborieuses ont été les complices involontaires de l'éradication  de l'occitan ; ils ont, en la matière, commis une simple erreur pédagogique  en croyant que la pratique de l'occitan nuisait à l'apprentissage du Français  alors que c'était l'inverse ; nombre d'enfants entrés à l'école à cinq ou six  ans sans connaître un mot de français sont devenus bacheliers ! (voir à ce sujet notre article Patois 2)

            Le dialecte parlé à St Illide est celui d'Aurillac, de la Chataigneraie, le languedocien. Les limites de ce "parler" sont à l'est, les monts du Cantal et au nord, la vallée de la Bertrande. Il existe entre les deux une assez grande différence d'accents, plus chantant ici, plus pointu à Mauriac ou Murat. Cependant, les racines étant les mêmes, les différences n'interdisent pas la compréhension  entre locuteurs d'un côté et de l'autre du Lioran. De surcroît,  vers  1935, les efforts de la Société d'Études occitanes ont porté leurs fruits, un alphabet  normalisé a été  mis au point et en 1966 la grammaire et le dictionnaire de Louis Alibert ont été publiés. Il s'ensuit que, malgré sa diversité, la langue occitane peut être comprise d'un bout à l'autre de l'Occitanie  et par tous les occitanistes émigrés qui s'intéressent à elle.

            Quel plus grand  patrimoine culturel  qu'une langue ? En outre,  celle-ci a fourni tant de noms de lieux et de noms patronymiques que c'est une raison de plus de la préserver.

            Si nous revenons aux différences entre "parlers", notons-en deux qui reviennent constamment : l
Le [k] d'Aurillac - St Illide : la vaca, la cabra, la cabilha   devient  [ts] à Mauriac ou à Murat et s'écrit : la vacha, la chabra, la chabilha,

Le [l] d'Aurillac –St Illide : l'escola, lo vedèl, atialar, devient  [r] à Mauriac ou Murat  l'escora, lo vedèr, atarar. Quant à lo capèl qui devient lo chapèr  il cumule les deux  nuances.

On sait aussi qu'au-delà de St Flour et Chaudes aïgues le ch se prononce [tʃ].

Les avis ont bien évolué sur la question de l'Occitan d'Auvergne. Voici ce qu'on pouvait lire dans la "Géographie du département du Cantal par Adolphe Joanne " (librairie Hachette et Cie - 1875) :
"
Le patois d'Auvergne, idiome usuel, sans grace et sans harmonie, des populations cantaliennes, composé en grande partie de mots latins dénaturés avec des terminaisons en a, est une des formes du roman du midi de la France."

Il est vrai qu'on était alors en pleine période d'élimination des parlers régionaux ...

Plus près de nous, Claude Duneton, linguiste d'origine limousine, développe, dans son livre "Parler croquant" (Stock - 1973), une théorie très personnelle mais intéressante sur les rapports entre l'Occitan du Cantal et sa topologie : "De temps en temps, on aperçoit une maison accrochée là-haut, à mi-pente, au bout du sentier qui y conduit. Je me dis toujours que les gens qui habitent ces demeures ne doivent pas être très bavards. Parce que si l'on grimpe à plusieurs ce sentier en lacet, de deux choses l'une : ou bien on parle en marchant et on n'arrivera jamais en haut, à cause du souffle, ou bien on monte en mesurant ses pas, avec une démarche lente et prudente, et l'on s'interdit toute conversation. Si l'on s'arrête pour reprendre haleine, on pourra échanger un ou deux mots brefs et c'est tout. Comment veut-on que des gens nés et élevés dans ces montagnes soient des causeurs légers, diserts et extravertis ! Ils gardent leurs discours, comme ils gardent leurs costumes, pour les dimanches et les jours de fête. Cela a-t-il une répercussion sur la langue qu'ils parlent ? Très certainement. L'Occitan d'Auvergne est plus sourd, plus rude dans sa prononciation, que, par exemple, le Provençal qui est plus clair et, toutes proportions gardées, plus mondain.

Voici ce qu'on peut dire de ce qui fut -et bientôt peut être ne sera plus- la "lenga nostra" car aujourd'hui, à Saint-Illide comme ailleurs dans le Cantal, cette langue, qui rayonna dans l'Europe entière, se meurt dans l'indifférence générale. L'Atlas 2009 international des langues en péril (UNESCO) considère l'Auvergnat comme "sérieusement en danger".