Le pissenlit

Des pissenlits, il y en a partout en France.
Si je parle de cette plante, c'est qu'elle évoque pour moi des souvenirs d'enfance liés à ces mois passés dans les années quarante avec mes frères à Saint-Illide dans notre maison familiale du bourg.
Enfants, nous connaissions bien tous les prés d'alentour car notre grand' tante , comme beaucoup de familles de la commune, élevait des lapins et nous envoyait souvent "faire de l'herbe" pour nourrir ces animaux.
Au printemps mais aussi à la fin de l'automne au moment des premières gelées, nous étions chargés d'une autre récolte : celle des pissenlits.
Munis chacun d'un couteau pointu, nous les récoltions en coupant les pieds au ras des racines, choisissant les plus jeunes et laissant , bien sûr, ceux qui étaient en fleurs, signe d'une maturité avancée.
En cueillir pour faire une salade destinée à une tablée de 6 ou 7 personnes, demandait pas mal de temps et notre patience était d'autant plus mise à l'épreuve que nos doigts devenaient gourds au contact de plantes que la gelée de la nuit avait rendues humides et froides.
Nous mettions notre récolte dans des paniers fabriqués localement ; il y avait, en effet, à Albart dans la maison Andrieu ( grande maison à droite au bord de la route en descendant vers Le Bouissou ) un artisan très habile qui réalisait diverses formes de paniers qu'il confectionnait pour partie avec de l'osier, assez rare dans la commune, mais surtout avec des rameaux de noisetiers et de fines lattes découpées dans du bois de châtaignier ; ces objets étaient certes assez rustiques mais très solides.
A la maison et avant le repas du soir la Tante procédait au tri, à l'épluchage, et à de multiples lavages de notre récolte pour enlever la terre collée aux pieds du pissenlit ; ce qui était écarté n'était pas perdu mais porté aux lapins.
Au moment du repas la Tante faisait frire dans du beurre ( l'huile était rare pendant la guerre par contre beurre ou saindoux produits à la ferme ne manquaient pas) des croûtons de pain coupés menus ainsi que des lardons où se mariaient maigre et gras ; lorsque l'ensemble était frit à point et, juste au moment de servir la salade, on versait le contenu brûlant de la poële sur les pissenlits, sel et vinaigre venaient compléter l'assaisonnement. C'était un régal dont le souvenir m'est resté vivace et que j'ai par la suite rarement retrouvé.

Mais le pissenlit mérite mieux que ces quelques souvenirs car, outre ses qualités gustatives, c'est une plante très riche en vitaminesB1,B2et C ainsi qu'en fer et en manganèse.
Ses fleurs jaunes d'or dressées au bout d'une hampe, naissent d'une rosette de feuilles profondément dentées.
C'est au printemps qu'il faut aller les cueillir dans les prés ( certains le font aussi en automne lorsque les premières gelées attendrissent ses feuilles ) en les coupant au ras de ses racines.
Après les avoir triés ( seuls les jeunes boutons floraux sont comestibles ) et soigneusement lavés, on les mange en salade en les accompagnant de croûtons frits frottés d'ail, de lardons sautés et en les assaisonnant d'huile de noix.

Enfin, et peut être surtout, ses propriétés médicales sont connues depuis des siècles ; ses vertus cholagogues et diurétiques ( d'où son nom) sont, en effet, unanimement reconnues et il est recommandé à tous ceux qui ont perdu l'appétit, ont des digestions difficiles ou souffrent du foie ; il est également efficace pour certaines maladies cutanées chroniques .

A Saint Illide, il y a des années "avec" et des années "sans (ou peu)" de pissenlits ; lorsque cette plante est très abondante, les prés se parent d'une belle couleur jaune d'or.
Les vaches , enfermées à l'étable et nourries au foin pendant les longs mois d'hiver, sortent enfin et broutent avec l'herbe fraîche une grande quantité de ces fleurs ce qui colore leur lait d'une nuance crème; cette couleur se retrouve jusque dans le fromage et l'on peut, en effet, constater que le Cantal fabriqué ces années là présente une coloration plus marquée ce qui ne le rend que plus appétissant !

Si vous êtes à Saint Illide au printemps, allez donc dans les prés faire une bonne provision de pissenlits et régalez vous tout en favorisant vos fonctions digestives !

Il semble bien que l'année 2010 soit une année "avec" ...