LE SARRASIN

Appelé de façon courante « blé noir » il ne s’agit, en fait, nullement d’une variété de blé car ce n’est pas une céréale mais une espèce voisine de l’oseille et de la rhubarbe.

C’est une plante annuelle à tige dressée d’un peu moins d’un mètre , aux feuilles en forme de cœur et dont les fleurs petites et blanches donnent des fruits secs (akènes ) de forme triangulaire , de petite taille et dotés d’une enveloppe noire très coriace .

Sa farine est totalement dépourvue de gluten ce qui en fait un aliment de choix pour les personnes intolérantes au gluten donc aux aliments à base de farine de céréales.

Cette farine est très riche en acides aminés, en vitamines B, en protéines et en sels minéraux ; elle contient de la rutine, substance qui favorise une bonne circulation sanguine, à ce titre elle est conseillée aux personnes sujettes aux varices .

Elle est originaire d’Asie ( Mandchourie, Sibérie ) et fut introduite en Europe au 14éme siècle par les croisés qui l’empruntèrent au monde musulman d’où son nom de sarrasin .

Peu exigeant, le sarrasin pousse dans les régions aux sols pauvres et acides (Bretagne , Limousin , Auvergne ) où pendant plusieurs siècles cette plante a permis de sauver de bien des famines ces populations dont la nourriture de base était la bouillie ( gruau ) de sarrasin ou d’avoine car il ne faut pas oublier que la pomme de terre n’a été introduite en France qu’à la deuxième moitié du 18éme siècle .

Le sarrasin a occupé autrefois dans le monde plusieurs millions d’hectares et en France au début du XXéme siècle la surface cultivée était encore de 600.000 hectares dont plus de la moitié en Bretagne ; depuis, avec l’élévation du niveau de vie et la démocratisation du pain au froment, les surfaces ont rapidement diminué au point que cette culture a pratiquement disparu, seules quelques centaines d’hectares subsistent, pour l’essentiel, en Bretagne .

Elle garde encore toute sa place en Chine, au Japon, au Canada, en Russie et en Pologne, pays où le sarrasin est consommé bouilli comme le riz, sous forme de pâtes alimentaires ( sobas du Japon ), de couscous, de biscuits, de gâteaux ( blinis en Russie ) et bien sûr de galettes et de crêpes .

En France avec la multiplication des crêperies la demande n’a cessé de croître ces dernières années et les importations se font principalement à partir de la Chine, du Canada et de la Pologne .

C’est ainsi que, devant ce phénomène, s’est créèe en Bretagne une association regroupant plus de 200 agriculteurs qui cultivent quelques centaines d’hectares de sarrasin et dont les résultats s’avèrent rentables car si les rendements sont inférieurs à ceux du blé, par contre cette plante ne demande ni engrais ni produits de traitement et son prix est devenu plus rémunérateur ; l’objectif est de multiplier les surfaces actuelles par 5 ou 6.

J’ajoute que ses fleurs sont très mellifères et qu’il est opportun de placer des ruches à proximité, le supplément de fleurs fécondées et le miel récolté sont des atouts non négligeables .

Puissent de telles initiatives naître dans le Cantal !

Pour terminer je voudrais évoquer quelques souvenirs liés au sarrasin cultivé à Saint Illide et qui datent des années quarante et du début des années cinquante :

Le sarrasin était cultivé de façon courante et si sa consommation sous forme de bouillie était abandonnée, par contre celle sous forme de grosses crêpes, les « bourriols » ( nom typique du Cantal ) était quotidienne .

Au petit matin , la fermière allumait le feu dans le cantou et suspendait à la crémaillère (barre métallique avec des crochets à différentes hauteurs pour pouvoir y accrocher les divers ustensiles à cuisiner ) une plaque de fonte avec une anse, le tuile sur lequel elle étalait une fine couche de pâte de sarrasin .

Les bourriols étaient consommés soit aux repas au même titre que la tourte de pain de seigle soit, le plus souvent, avec les aliments du panier que la fermière portait en milieu d’après midi à ceux qui travaillaient dans les champs ; est-il utile d’ajouter que les bourriols chauds garnis de beurre ou de confiture étaient le régal des enfants au petit déjeuner.

C’est pourquoi des parcelles étaient semées en sarrasin en début d’été et récoltées une centaine de jours plus tard ; on moissonnait juste avant la maturité pour ne pas trop perdre de grains et on rentrait les gerbes à l’abri pour finir de mûrir et de sécher la moisson.

Comme la quantité récoltée était modeste et suffisait à peine à assurer la consommation familiale, la semence pour l’été prochain ainsi que la nourriture des volailles qui en sont friandes, il n’était pas question de déplacer une batteuse aussi le battage se faisait il au fléau .

Le fléau est un instrument constitué de deux bâtons, l’un long sert de manche, l’autre plus court sert à battre la moisson ; ils sont reliés entre eux par une courte courroie de cuir .

On étendait alors sur le sol une grande toile sur laquelle on plaçait une couche de la moisson à battre ; les hommes se disposaient autour avec leurs fléaux et les abattaient en cadence, chacun à son tour, sur la paille de sarrasin pour en extraire le grain (la photo ci-contre a été prise à Saint-Illide dans les années 40)

Cet exercice nécessitait adresse et expérience pour suivre le rythme et éviter surtout que les fléaux ne s’entrechoquent.

Le battage terminé, on enlevait la paille avec un râteau et on rassemblait ce qui était un mélange de grains et de débris végétaux de toute sortes, résultat du traitement brutal auquel la moisson venait d’être soumise .

Pour séparer le grain de ces débris, on vannait au tarare : petite machine dans la trémie de laquelle on introduit le mélange à vanner qui tombe alors sur des grilles animées de secousses et sur lesquelles souffle un ventilateur ; les impuretés sont ainsi chassées à l’extérieur et le grain tombe à la partie inférieure de la machine .

Il faut deux hommes pour le faire fonctionner : un tourne la manivelle qui actionne le ventilateur et les grilles, l’autre alimente la machine, ramasse et met en sac le grain.

Pour finir, n'oubliez pas de consulter notre article sur les bourriols (avec la recette) !