Un siècle de fonctionnement de la gare (3)

Sur toute la ligne, d'Aurillac à Mauriac, le train ne traverse et ne s'arrête que dans des hameaux, voire devant une ou deux maisons, hormis le petit bourg de Drugeac et bien sûr, les deux villes à chaque extrémité.
C'est que dans le Cantal, les chefs lieux de commune et les bourgs de quelque importance, ne sont jamais situés dans les vallées, souvent encaissées donc peu ensoleillées, fréquemment prises dans les brumes des rivières, et s'installent sur la hauteur, sans doute aussi pour d'anciennes raisons stratégiques. St Illide est dans ce cas.

Jusqu'en 1950, le trafic sur la ligne est assez dense et les convois nombreux, autour de quinze par jour, en comptant les trains de marchandise.
Le trafic voyageurs d'abord est important, ce qui n'est pas surprenant dans un département beaucoup plus peuplé qu'aujourd'hui et où il n'existe pour ainsi dire aucun autre moyen de transport rapide. Les voyageurs qui montent ou descendent en gare de St Illide sont nombreux. Il faut dire que la gare ne dessert pas seulement la commune mais aussi St Santin, Arnac, Freix-Anglars et surtout St Cernin.
L'été, plus de monde encore, avec les vacanciers.
A ce propos, les anciens se souviennent peut-être encore des "trains Bonnet" créés en 1904 par Louis Bonnet, le fondateur de l "Auvergnat de Paris". Ces trains, qui fonctionneront jusqu'en 1939, ont pour but de permettre aux "expatriés" de rentrer au pays pour les vacances avec des réductions de l'ordre de 40%. Prendre le train "Bonnet", c'est, outre une sérieuse économie, la certitude de se retrouver entre Cantalous et de partager, pendant tout le voyage, nourritures, souvenirs et plaisanteries...

A la gare de St Illide, vous attendent des charrettes à cheval qui seront peu à peu remplacées par les premières voitures qui viennent transporter jusqu'à destination voisins et familles. Il y a surtout le "Courrier", ainsi nommé parce qu'il monte et descend chaque jour les lettres et paquets PTT. Dès les années 20, le "courrier" transporte dans son car, souvent pittoresque et poussif, les voyageurs qui, avant de monter, mettent leurs valises et ballots sur le toit. Le valeureux véhicule attaque alors vaillamment la côte de 7 kms qui l'amènera sur la place de St Illide, 200 mètres plus haut, soit une pente moyenne de 3%.
M. Tapie, et sa célèbre cravate autour de la tête pour cacher une oreille arrachée, a d'abord fait le "courrier" avec une voiture à cheval puis un car qui, aujourd'hui aurait sa place dans un musée. Après plusieurs décennies de loyaux services, M. Tapie sera remplacé par M. Visy puis M. Cluse qui continuera ces navettes jusque dans les années 60.

Les voyageurs plus courageux ou moins pressés, après s'être rafraîchis "chez Pélagie", empruntent le raccourci qui exige tout de même de bonnes jambes et un souffle solide, car la pente est raide. Parti de la gare, ce raidillon bifurque, presque à son terme, soit vers le village du Flouroux, soit un peu plus haut, à la sortie du Bouissou, devant la maison Marty qui fait aussi buvette. Il ne reste plus guère que 2 kms avant d'atteindre le bourg...

Les convois de marchandises sont aussi assez nombreux. Ils transportent au départ de ce coin du Cantal, d'abord des bovins qui rejoignent les abattoirs parisiens, même si la viande de Salers est moins appréciée qu'aujourd'hui, ou pour gagner les lieux d'estive dans les montagnes herbues du département ou du Puy de Dôme. Beaucoup de wagons ou de plates-formes chargés de billes de bois, de graviers et de sables extraits des carrières et des produits manufacturés à Aurillac, quelques wagons-citernes d'essence ou de vin, ainsi que le transport de tous les produits et engins (engrais, machines, produits pondéreux, etc.) nécessaires à l'artisanat et à l'agriculture.

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