Le Conseil de Fabrique
Nos grands-parents connaissaient
bien le conseil de Fabrique dont l'appellation baroque n'évoque plus
rien aujourd'hui.
Fabrique vient du lation Fabrica (oeuvre) et désignait à l'origine
les biens et finances destinés à la construction de l'église
( l'Oeuvre avec un grand O).
Le Conseil de Fabrique est créé dans toutes les paroisses par
décret impérial du 30 décembre 1809 pour gérer les
fonds nécessaires à la construction et à l'entretien des
édifices religieux et du mobilier paroissial ( chapelles, calvaires,
argenterie, ornements, etc.)
A
St Illide, le Conseil de Fabrique qui comporte 5 membres laïcs dont 3 marguilliers
(les plus actifs) et le curé, est mis en place le 1er avril 1811 et se
réunit au presbytère, parfois à la sacristie.
Le registre de ses délibérations, toujours visible, est à
la Mairie.
Assez peu de délibérations en un siècle, hormis les remplacements
des administrateurs décédés, les installations des curés
et vicaires successifs et le vote des budgets annuels et des comptes.
Quelques unes méritent cependant une mention particulière, soit
par leur importance (le Conseil de Fabrique a sans doute sauvé l'église
de la démolition), soit parce qu'elles reflétent bien l'esprit
du temps et les conflits locaux, par exemple entre le chef-lieu de la commune
et le village de Labontat..
1- Faut-il sauver l'église de St Illide ?
Le 19 décembre 1869, le Conseil de Fabrique se réunit en séance
extraordinaire parce que le ministre de la Justice et des Cultes (aujourd'hui,
les Cultes relèvent du Ministère de l'Intérieur) vient
de le saisir d'une question très importante : Faut-il ou non utiliser
les fonds légués par Pierre Bos-Darnis pour construire, selon
son voeu, une chapelle à Albart ?
Le ministre écrit à ce propos : " Il importe avant toute
décision de déterminer l'emplacement sur lequel sera élevée
la chapelle dont la construction a été prescrite par le testateur,
et de s'assurer si cette chapelle sera susceptible d'être pourvue d'un
titre légal. Il y a lieu, en outre d'examiner, à raison de la
somme considérable qui doit être affectée à cette
construction, s'il ne conviendrait pas, au lieu de bâtir une chapelle,
d'une utilité plus ou moins contestable, de construire une église
paroissiale. Les termes du testament ne paraissent pas s'opposer à l'exécution
sous cette forme des intentions manifestées par le testateur."
Le ministre, probablement inspiré par les autorités locales, prend
des libertés surprenantes avec la volonté pourtant clairement
exprimée de P. Bos-Darnis.
Le Conseil de Fabrique prend courageusement position, mais avec sagesse et diplomatie
: "Il pense que l'emplacement sur lequel doit être construite la
chapelle dont parle M. Bos-Darnis dans son testament est suffisamment désigné
par lui-même. Quant au titre légal dont parle Son Excellence M.
le Ministre de la Justice et des Cultes, le Conseil pense que cette chapelle
n'en pourra jamais être pourvue, vu le peu de distance qui sépare
le village d'Albart du bourg de St Illide, distance qui n'excède pas
900 mètres. De plus, le Conseil, tout en reconnaissant plutôt l'utilité
de la construction d'une église paroissiale qui, dans ce cas, ne pourrait
avoir lieu qu'au chef-lieu de la commune de St Illide, que d'une chapelle importante
à Albart, croit que ce mode dérogerait aux intentions du testateur,
auxquelles il désire se conformer, s'en rapportant du reste complètement
à la sagesse de Son Excellence M. le Ministre."
Le résultat, nous l'avons sous les yeux : la chapelle est à Albart
et l'église romane de St Illide est toujours là... même
si le Conseil de fabrique, en 1843, ne s'était pas gêné
pour décider d'en transformer l'aspect. A cette époque, il est
vrai, on se préoccupait peu de l'esthétique et de l'authenticité
des vieux édifices, châteaux ou églises.