Remerciements des enfants de Saint-Illide aux Américains
En 1915, le destin tragique des orphelins de guerre français frappe les esprits des jeunes Américains, un certains nombre d'initiatives se développent pour venir en aide à ces malheureux enfants. Parrainages, dons, certaines familles américaines iront même jusqu'à adopter des petits Français. En mars 1916, est fondée la "Fraternité Franco-Américaine" (FFA), chargée de répartir les dons recueillis aux Etats-Unis par "the Fatherless Children of France" entre les différentes associations françaises.
Le ministre de l'Instruction publique, le grand mathématicien Paul Painlevé, remarque alors que toutes ces associations sont religieuses. Socialiste et profondément laïc, il va tout faire pour contrer l'hégémonie des œuvres de bienfaisance catholiques. Une idée lui vient : Pourquoi ne pas demander aux enfants des écoles publiques de remercier par écrit les jeunes américains qui ont secouru nos orphelins ? La circulaire arrive sur le bureau des inspecteurs d'Académie en novembre 1916. En voici un extrait :
"[...] un grand nombre d'enfants américains ont conçu la pensée de venir en aide fraternellement à nos orphelins de guerre. Dès maintenant, ils ont fait parvenir leurs dons à des milliers de jeunes Français. Chacun de ceux-ci a remercié directement le camarade qui lui tend si amicalement la main à travers l'Océan. [...] Il importe que tous nos enfants expriment aux enfants d'Amérique la reconnaissance de la France. Je vous prie donc de donner des instructions pour que, dans toutes les écoles primaires, on propose prochainement aux élèves, comme sujet de rédaction, le commentaire de l'acte accompli par les jeunes Américains. Vous choisirez la forme (récit, lettre, etc) qui vous paraîtra la meilleure [...]. Vous voudrez bien vous faire envoyer les meilleures copies et m'adresser celle qui, par la sincérité des sentiments et par la valeur de l'expression, aura le plus particulièrement retenu votre attention."
A Saint-Illide, comme partout en France, les maîtres et maîtresses s'exécutent et font plancher leurs élèves sur ces remerciements aux jeunes Américains. Quelle autonomie doit-on laisser aux enfants ? la circulaire étant très générale, cela laisse aux enseignants une grande latitude. Certains imposent un plan très strict, voire rigide, d'autres privilégient la spontanéité et la naïveté des enfants plus propices à laisser s'exprimer "la sincérité des sentiments" demandée par le ministre. Cependant, n'en doutons pas, à cette époque de pédagogie très directive, la main du maître est toujours, à des degrés divers, derrière les productions des élèves.
A Saint-Illide, à Labontat, filles et garçons de l'école laïque ont fait de leur mieux ; maîtres et maîtresses, satisfaits et fiers des productions de leurs élèves, ont envoyé les copies à l'Académie ... Un bref rappel à l'ordre leur fait sèchement remarquer qu'ils n'ont pas suivi à la lettre la directive du ministre :
"[...] Permettez-moi de vous faire remarquer que par la circulaire du 31 octobre je vous demandais de me faire parvenir la meilleure copie, à la rigueur, j'en accepterais deux ou trois s'il vous paraissait trop difficile de faire un choix. Je vous renvoie votre dossier et vous prie de vouloir bien procéder à l'élimination que je vous avais demandée [...]"
Le voici donc ce dossier, allégé des deux ou trois meilleures productions qui sont sans doute restées dans les archives de l'Académie de Clermont. Les "recalés", comme vous allez le voir, n'ont en rien démérité ... Cliquez ICI