Fours et fourniales


Homme criant devant un four (stalles de l'église de St Illide)

Les premiers fours à pain ont plus de 4 000 ans ! Même si aucun de ceux présents sur la commune de Saint-Illide ne peut revendiquer un tel âge, ils n’en sont pas moins d’inestimables témoins du passé. Ramassés, rustiques, semblables à des églises romanes en miniature, leur robustesse les a préservés de l’usure et du temps.

Il convient tout d’abord de distinguer les très anciens fours « banaux » (à partir du XIIe siècle) de fours qui, sans être modernes, sont de construction plus récente.

Le four banal était un élément important des usages féodaux. Il appartenait au seigneur du lieu qui bénéficiait du droit de « ban ». Ce droit faisait obligation à toute personne vivant sur le fief d’utiliser exclusivement le four contre paiement d’une redevance seigneuriale. Cette règle s’appliquait aussi au moulin et au pressoir local. Dans le cas du four, le paysan devait en outre apporter lui-même le combustible.
La contrepartie pour le seigneur était d’assurer l’entretien et les réparations de son bien. La banalité, très mal perçue en Haute-Auvergne, avait dans les faits presque disparu à la veille de la Révolution et sera totalement abolie par la Convention le 29 messidor an I (17 juillet 1793).

Le four devint alors un bien communal comme un autre. La cuisson du pain ne faisant plus l’objet d’un monopole, beaucoup de communautés (villages, hameaux) mais aussi de particuliers entreprirent la construction d’un four dont ils assurèrent eux-mêmes l’entretien. Ce n’est qu’avec l’avènement de la boulangerie, au tout début du XXème siècle, que ce très vieil usage finit par disparaître.

D'après le cadastre de 1824, il existait alors sur la commune une bonne trentaine de fours. 19 appartenaient à des particuliers, les autres étaient le bien commun des habitants d'un hameau (c'était le cas dans les villages suivants : Darnis, Lafon, le Poux, la Serre, le Fau, le Castanier, La Bontat, Veillant, Laveissière, le Bouissou, Parieu-Haut, Montalat, le Couderc).

Il pouvait s’agir d’un four « ouvert » dont la gueule donnait directement sur l’extérieur (comme à La Bontat, par exemple) ou, d’une fourniale (il en existait une dizaine), c'est-à-dire d’un bâtiment plus vaste où le four était prolongé par une pièce (le fournil), sorte d’antichambre qui permettait, bien à l’abri, de préparer la cuisson du pain.

La fourniale était un haut lieu de convivialité où, une fois le four allumé par les hommes, les femmes régnaient sans partage, tout comme au lavoir. C’est souvent là aussi que le vagabond de passage, routier ou trimardeur, pouvait s’abriter pour la nuit près des pierres encore chaudes…
Dans le bourg, outre le four des soeurs (voir plus bas), on sait qu’il existait un petit four non loin de l'actuel cimetière et également, face à l’actuelle boucherie, une fourniale, propriété d’une certaine Mme Girbes jusqu’en 1877 (voir la bascule publique).

Construction et fonctionnement

L’architecture du four et la cuisson du pain n’ont pratiquement pas varié depuis le néolithique (voir ci-dessous deux fours antiques) : Une sole, surface ovale d’environ 4 m2 composée de matériaux réfractaires (du basalte par exemple), repose sur une couche de sable. Au-dessus, se trouve une voûte aux pierres disposées en écaille. La voûte est entourée d’une épaisse couche d’argile pour parfaire l’isolation de l’ensemble.
On allume le four avec du genêt très sec, des branches de buisson ou de noisetier, on le remplit ensuite jusqu’à la gueule de bûches et on laisse le feu chauffer à blanc les pierres de la voûte. Après environ une heure et demie, on vérifie la température en introduisant une brindille ou un bout de journal ; s’ils s’enflamment, le four est trop chaud et on laisse décroître la température jusqu’à 250°. Vient alors le moment de l’enfournage où l’on répartit sur la sole, à l’aide d’une pelle, les tourtes de pâte. Le pain cuit en environ 40 minutes.

Les fours miraliers sont tout à fait semblables à cet antique four grec photographié dans l'île de Cythère.
Sa voute est en très bon état.
Un autre grand ancêtre : ce four presque intact de Pompei

Cette description sommaire ne rend pas justice à la dimension puissamment symbolique de ces fours qui nous renvoient à des "fondamentaux" de l’humanité : le feu, le pain, la convivialité … N'en doutons pas : nous touchons là à un inconscient collectif antérieur à nos églises romanes. Il y a du sacré dans ces vieux édifices !

Imaginons un instant l’atmosphère très particulière qui devait régner dans ces lieux : la pénombre, le rougeoiement des braises, les craquements de la pâte, la bonne odeur du pain, le rythme joyeux des conversations féminines …
Mettons-nous aussi à la place du vagabond qui, roulé dans quelque couverture rapiécée, blotti contre les pierres tièdes, écoutait en rêvant les hurlements du vent d’hiver à l’extérieur et goûtait quelques heures de quiétude et de douceur.

Mais, tels nos volcans endormis, les fours ne sont pas morts. Que survienne une période difficile et les voilà prêts à reprendre du service. Ne les a-t-on pas rallumés pendant la dernière guerre ? On voit bien aussi que dans des pays moins favorisés que le nôtre (Roumanie ou Hongrie, par exemple), ils sont toujours couramment utilisés.

A l’inverse de nos appareils sophistiqués dont le fonctionnement nous échappe, leur simplicité rend leur remise en route à la portée de tous. Alors rendez-vous peut-être un jour devant la gueule béante où cuit la pâte ...

Les fours de la commune

Du pain à Saint-Illide