L'architecture intérieure (2)

 

Plaçons nous devant la nef pour examiner sa couverture en berceau légèrement brisé.
Cette très légère cassure est plus visible là où la voûte rejoint les arcs doubleaux, ces saillies en pierre apparente sur la courbure intérieure de la couverture.
"Doubleaux" parce qu'ils ne jouent pas seulement un rôle décoratif mais parce qu'ils doublent la solidité de la voûte.

Car tout, dans la construction des  grands édifices religieux, qui ont vocation à traverser les siècles, est d'abord une question de solidité et de résistance.

La voûte en berceau, qui existe depuis l'antiquité,  est le moyen le plus simple de couvrir la nef et de répartir son poids et celui des parties supérieures (combles, toiture, clocher) sur les murs qui la supportent.

A St Illide donc, ce poids énorme exerce une telle pression sur les murs que ceux-ci auraient tendance à s'écarter si la voûte n'était pas en berceau brisé, technique qui remonte en France au XIème siècle.
En effet, ce type de voûte, mieux que le berceau en plein cintre, exerce des poussées plus faibles et permet de donner plus de hauteur à la nef.

L'arc brisé ou doubleau joue un rôle  de renfort lorsqu'il dévie les forces engendrées par le poids des parties supérieures sur ses supports, les pilastres.
L'ensemble permet d'avoir de plus grandes ouvertures et d'admettre ainsi plus de lumière dans l'édifice.

A St Illide, les murs sont très épais et les pilastres, piliers rectangulaires incrustés dans les murs, sont énormes.
De ce fait, l'église résiste depuis 900 ans à l'usure du temps et les murs ne se sont pas écartés de façon visible, contrairement à beaucoup d'églises romanes.

Nous constatons sur les photos que les six pilastres du XIIème siècle divisent l'église en huit travées, quatre au Nord et quatre au Sud, c'est à dire six dans la nef et deux, plus étroites, dans le chœur.
En effet, les deux pilastres qui reçoivent le doubleau appelé arc triomphal, séparent la nef du chœur et marquent un rétrécissement de l'espace entre les murs.

Examinons de plus près les trois paires de pilastres. Les deux pilastres en vis à vis sont identiques, mais chaque paire est différente.

La première paire de pilastres reçoit l'arc triomphal qui est, en l'espèce, un arc doubleau à double rouleau, c'est à dire à double rangée de claveaux.
Les pilastres sont là, très épais, plus de 2 mètres en comptant les colonnes engagées (colonne en demi-cylindre) qui les complètent. Chaque colonne est surmontée d'un chapiteau à grande avancée dont le tailloir (partie supérieure en forme de tablette carrée) se poursuit sur le pilastre.
Une corniche en biseau prolonge les tailloirs des chapiteaux sur tout le pourtour de l'église à la hauteur de la retombée des voûtes. Cette corniche, seulement interrompue par l'arcature qui domine les baies du chœur, orne un peu la sévérité des parois latérales.

La deuxième paire de pilastres reçoit aussi un arc doubleau à double rouleau sur colonne engagée.  Chacun est épais de 1,60 mètre environ et se distingue par la présence d'un boudin ornemental semi-cylindrique sous le chapiteau.

La troisième paire de pilastres, la moins épaisse, reçoit un simple arc doubleau sans colonne semi-engagée, donc sans chapiteau. 

Que dire des quatre chapiteaux ?

Ils apparaissent nus, sans aucun élément décoratif.
Il ne faut pas s'en étonner, tous les chapiteaux romans ne sont pas "historiés", d'autant plus que l'école d'Aurillac issue de l'Abbaye St Géraud et des nombreux prieurés qu'elle a créés, se signale par des chapiteaux très sobres en décoration, avec des motifs végétaux ou géométriques.
Ici rien, ce qui démontrerait, nous l'avions déjà observé, l'esprit d'économie et la pauvreté des moyens dont disposaient les fondateurs du prieuré de St Illide.

Cependant, sur la photo, on aperçoit nettement en partie haute du chapiteau, sous le badigeon blanc, des éléments saillants.
La mise à nu de la pierre permettrait-elle de mieux lire les détails de la sculpture ou au moins des traces ? Impossible de l'affirmer, même si la probabilité est grande. Deribier, dans son monumental ouvrage sur les églises du Cantal écrit en 1902, signale en effet avoir observé des motifs végétaux ou floraux sur les chapiteaux de notre église. Il y voit d'ailleurs une des caractéristiques du style roman limousin.

C'est tout de même une nouvelle occasion de dire qu'il ne fallait pas poser de peinture ou d'enduit, plus ou moins épais, quelque en soit la couleur, sur la pierre de taille, les parties sculptées, et les joints qui les assemblent. La pierre nue a un grain et une beauté intrinsèque qui se suffisent. Mgr de Marguerye l'avait déjà dit en 1840...
Peu d'églises romanes autour de St Illide ont été autant maltraitées sur ce point. Prenons exemple, tout près de chez nous, sur l'église de St Cernin, pourtant moins ancienne.

Le badigeon presque uniformément blanc qui recouvre actuellement tout l'intérieur de notre église depuis les années 90-95, interdit de vérifier s'il y a eu ou non, au cours des siècles, des fresques et des peintures murales, comme c'était fréquemment le cas. Le démontrent les peintures actuellement visibles dans les églises voisines de Tournemire, St Cirgues de Malbert et, encore une fois, St Cernin.
A St Illide,  l'abbé Bouyssou croyait à cette probabilité et signalait même, à son époque, un blason peint sur la clef de voûte d'une chapelle latérale.  Ce blason, aujourd'hui est recouvert d'un badigeon, comme tout le reste...

Avant d'entrer dans le chœur, reposons nous la question de la poutre de gloire sur l'arc triomphal (voir l'article "une longue histoire").
Y avait-il, reposant sur les larges tailloirs des chapiteaux, une poutre ornée portant un calvaire à personnages ou un crucifix  ? Rien ne le confirme pour les siècles antérieurs à la Révolution.

En revanche, on sait qu'en 1815, l'église a acheté pour la somme de 300 F (4.000 € ?) " Le grand Christ et la Gloire du Père éternel".
Le Christ est certainement le grand Crucifix actuellement déposé dans l'avant-dernière chapelle Nord.
C'est une belle sculpture sur bois assez naïve, peu expressive dans l'attitude et assez mal proportionnée au niveau des membres et du corps, ce qui aurait pu suggérer une réalisation beaucoup plus ancienne. 
Ce Christ était certainement polychrome à l'origine mais a été tout récemment "restauré" dans de très mauvaises conditions, comme le montre la photo de la tête.
On verra que toutes les retouches faites récemment aux statues de l'église sont à reprendre.

Encore moins de doute sur "la Gloire du Père éternel" : c'est assurément la sculpture représentant Dieu le Père dans un nuage entouré des rayons du soleil, située au centre du chevet, sur la partie haute du retable.
Cette sculpture destinée comme le Christ à l'édification des fidèles, est également touchante par sa naïveté, donc très probablement de la même facture et du même artiste. Nous en reparlerons à propos du retable.

En 1815, les deux sculptures ont été placées ensemble dans le chœur, sur le chevet et y sont restées, le Christ sous Dieu le Père, jusqu'en 1850.
A cette date, le conseil de Fabrique décide de laisser Dieu le Père sur le chevet, là où il est encore, mais de placer le Christ sous l'arc triomphal, soutenu, non par une poutre de gloire mais par deux consoles en fer forgé, en forme de S, achetées à Aurillac pour la somme de 53,25 F.
Cette grande croix, tournée vers les fidèles, est restée à cette place centrale jusqu'à la fin du XXème siècle avant de se trouver reléguée, sans emploi, dans le bas côté Nord.

<précédent suivant>